ÉCHANGE DES VŒUX (31 DÉCEMBRE 2018)
Publier le 3 janvier 2019
Monsieur le Vicaire Général,
Monsieur le Vicaire Judiciaire,
Monsieur le Vicaire Épiscopale chargé du Clergé et des Séminaires,
Messieurs les Recteurs des Séminaires,
Révérends Pères et Sœurs Supérieurs des Communautés et Responsables des maisons de formation,
Messieurs les Curés Doyens,
Messieurs les Abbés,
Religieux et Religieuses,
Chers Frères et Sœurs,
Chaque 31 décembre, nous donne l’occasion de nous retrouver pour dire notre merci à Dieu pour l’année finissante et pour saluer la nouvelle année qui pointe déjà à l’horizon. C’est une tradition solidement établie dans notre Archidiocèse pour nous échanger les vœux.
Le Vicaire général, au nom de toutes les composantes de notre Communauté archidiocésaine vient de m’adresser les vœux qui me sont allés droit au cœur.
Soyez-en tous remerciés.
Nous venons de célébrer la fête de Noël et nous baignons encore dans l’atmosphère de cette joyeuse fête religieuse populaire. Nous avons fêté l’un des grands mystères de notre vie chrétienne et de notre foi catholique, à savoir l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus, l’avènement qui a bouleversé l’histoire de notre monde.
Le Prologue de l’Évangile de St jean qui nous est proposé chaque 31 décembre, nous replonge dans ce mystère de l’Incarnation. Il met en exergue le logos, la Parole, la Parole de Dieu. Ce prologue que d’aucuns prennent pour une simple préface est au contraire, l’essence, le centre, le cœur même de l’Évangile de St Jean. Pour nous qui avons connu la messe d’avant le Concile Vatican II, chaque messe se terminait toujours par ce prologue que l’on nommait le dernier évangile. Après avoir béni le peuple, le prêtre au coin de l’autel récitait le prologue de St Jean, pour rattacher ainsi le sacrifice de la rédemption célébré au mystère de l’Incarnation du Verbe.
Dans l’Ancien Testament comme dans la Nouveau Testament, la Parole de Dieu a une importance capitale. Sans cette Parole Israël n’aurait pas existé. La Parole de Dieu est constitutive du Peuple. De même que Dieu, dans l’Ancien Testament, rassemble son Peuple par sa Parole, créatrice du monde, aussi continue-t-il dans le Nouveau Testament, à réunir son peuple messianique par Jésus-Christ, Parole incarnée, créatrice d’un monde nouveau.
Jésus, le Fils de Dieu, fait homme pour sauver les hommes est le Verbe de Dieu qui de toute éternité était auprès de Dieu, « la Parole du Père par qui tout a été créé ». C’est lui, comme l’atteste Saint Jean dans cet Évangile, la Lumière du monde, qui éclaire tout homme qui voudrait marcher sur la voie du salut et en dehors duquel, il n’y a que ténèbres, violence, mensonge et perdition.
C’est lui, le « Verbe fait chair » qui a épousé notre humanité et habité parmi les hommes pour les sauver tous. Nous avons vu sa gloire, affirme l’Apôtre Jean, en témoin oculaire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils plein de grâce et de vérité. C’est lui, Jésus, le Messie dont le monde entier a célébré à Noël le mystère de sa naissance.
La messe qui nous rassemble ce matin se veut être une action de grâce spéciale (car toute messe est bien une eucharistie, une action de grâce), pour cette année 2018 que nous clôturons aujourd’hui. Merci à Dieu pour tous les bienfaits reçus toute cette année.
Une année de plus arrive à son terme, nous pouvons alors jeter un regard rétrospectif sur quelques faits saillants. Il nous a donné une année entière, donc des journées nombreuses et par-dessus tout des grâces innombrables et de nombreux bienfaits. Bien sûr, chaque année apporte son lot de joies et de peines, d’événements heureux et d’événements malheureux. Disons bien à Dieu avec le psalmiste : « Quid retribuam ? Dieu m’a tant donné, que lui rendrai-je ? »
Le 31 décembre de l’année 2017, nous saluions les accords de cessation des hostilités signés le 27 décembre entre les ex-combattants et le gouvernement. Cette paix qui se consolide chaque jour davantage ne peut que nous réjouir tous. Ainsi, en la faveur de cette paix, nous avons pu rouvrir les trois paroisses de Linzolo, de Koubola et de Goma-tse-tse et reprendre les activités pastorales dans cette partie du diocèse. Puisse cette paix être stable et définitive.
Nous avons également créé deux nouvelles paroisses qui manquaient dans ces quartiers et à ces quartiers : la paroisse « St Padre Pio » de Mbuono, confiée aux Frères Capucins et la paroisse « St Jean Paul II » de Diata confiée à deux « fidei donum » polonais.
Dans le même élan la paroisse Sainte Claire de Djiri s’est vue dotée d’une nouvelle et belle Église que nous avons consacrée le samedi, ceci dans la joie et l’allégresse des chrétiens. Ainsi deux belles Églises offrent aux chrétiens de ce quartier deux beaux lieux de prière.
Les ordinations presbytérales et diaconales se passent jusqu’ici à un rythme régulier et soutenu.
Mais cette année a eu aussi sa cohorte d’événements tristes qui ont endeuillé notre Diocèse : deux prêtres successivement ont rejoint la maison du Père en l’espace d’une semaine : le Père Albert Madede et l’abbé Alain Gandoulou.
Vœux de Paix, de Justice et d’Espérance !
En revenant aux vœux, je remercie Monsieur le Vicaire Général pour les vœux qu’il m’a présentés au nom de tous. À mon tour, je vous souhaite une heureuse Année et vous présente mes Meilleurs Vœux de Paix, de Justice, d’Espérance pour la Nouvelle Année 2019 que nous allons commencer dans quelques heures par la célébration de la 70ème Journée Mondiale de la Paix, où le Pape François s’adressant plus particulièrement aux politiciens nous invite à construire la paix dans le monde. « La Bonne politique est au service de la paix ».Voilà le thème du message de la journée de la paix du 1er Janvier 2019.
Je m’empresse de vous en lire un petit passage :
1. ‘‘Paix à cette maison !’’
En envoyant ses disciples en mission, Jésus leur dit : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘‘Paix à cette maison’’. S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra vers vous » (Lc 10, 5-6).
Offrir la paix est au cœur de la mission des disciples du Christ. Et cette offre est adressée à tous ceux qui, hommes et femmes, aspirent à la paix au milieu des drames et des violences de l’histoire humaine [1]. La ‘‘maison’’ dont parle Jésus, c’est chaque famille, chaque communauté, chaque pays, chaque continent, dans sa particularité et dans son histoire ; c’est avant tout chaque personne, sans distinctions ni discriminations. C’est aussi notre ‘‘maison commune’’ : la planète où Dieu nous a mis pour y vivre et dont nous sommes appelés à prendre soin avec sollicitude.
C’est donc également mon vœu au début de l’année nouvelle : ‘‘Paix à cette maison !’’. dit le Pape François
Je suis heureux de reprendre ce que je disais à la même occasion en 2005 : « je vous adresse moi aussi le vœu le plus ardent d’une paix véritable dans nos cœurs, dans nos vies, dans notre pays et sur toute la Terre. Que le Seigneur nous accorde une année de Paix ! »
C’est cette paix que nous voulons réaliser à travers les nombreux engagements que nous avons tous pris en menant le combat contre les anti-valeurs. Pourquoi la paix annoncée par les Anges à Noël est-elle contredite dans notre monde par ce que nous vivons ? Voilà la question que nous devons nous poser sans cesse.
Tout en luttant contre les anti-valeurs, le combat pour la paix ne pourra être gagné que si notre société assure à notre jeunesse un avenir radieux, si nous donnons à notre jeunesse des raisons de vivre et d’espérer. Notre regard doit se porter particulièrement sur les jeunes. C’est le sujet actuel de toute l’Église. Un Synode sur les jeunes vient de se tenir à Rome. Nous ne devons pas ramer à contre-courant en ignorant les problèmes de la jeunesse. C’est pourquoi mon vœu le plus ardent est que chacun de nous, au cours de cette année 2019 qui pointe à l’horizon, trouve à donner des raisons de Vivre et d’Espérer à cette jeunesse congolaise plongée dans les anti-valeurs et semant la violence dans le pays, cette jeunesse congolaise dont l’avenir est au cœur d’une réflexion permanente des Évêques.
Je suis parfois ahuri d’apprendre des Congolais et aussi des chrétiens que les Évêques du Congo ne parlent pas. Pour eux « les Évêques parlent » quand ils interpellent seulement les politiciens. Ils sont ignorants de tous les messages pertinents adressés régulièrement à nos chrétiens.
Dans notre message de 1990, nous les évêques du Congo alertions l’opinion nationale : « La vague des générations nouvelles qui déferlent chaque année dans les écoles et les lieux de travail doivent nous interpeller de façon particulière. Quel milieu de vie avons-nous préparé pour les jeunes et les enfants ? Dans cette société congolaise que nous voulons bâtir ensemble, où se trouve le berceau de l’enfance congolaise ? Où sont les postes de travail ? Les lieux de loisirs et de sports ? Les ateliers d’apprentissage ? Quel est l’avenir de cette jeunesse en uniforme qui déferle des écoles durant l’année scolaire ? Que devrions-nous faire pour arrêter cette mortalité vertigineuse d’enfants et de jeunes qui nous inquiète tant ? Quelles garanties nous leur donnons pour un avenir épanouissant ?
Les discours creux nous donnent l’illusion d’avoir réalisé quelque chose pour le simple fait d’en avoir parlé fiévreusement et longuement : nous nous trompons lourdement. Quel héritage laissons-nous aux générations à venir ? Cette question doit nous habiter tout au long de notre vie. » (Engagement politique, non-violence, fraternité, 1990)
Suite au Synode des Évêques sur les jeunes qui vient de se tenir à Rome, les Évêques du Congo se sont encore penchés sur la situation préoccupante des jeunes. Leur récent message à l’issue de la 47è Assemblée sur le thème « Jeunesse Congolaise et Identité chrétienne », porte sur le souci que les Évêques ont pour cette jeunesse :
Dans nos différents messages, nous n’avons jamais cessé de parler aux jeunes, nos interlocuteurs préférés, de ce qu’ils sont pour l’Église et la société. Déjà en 1986, dans notre message, Le chrétien messager de la paix, nous alertions l’opinion nationale sur les problèmes qui frapperaient notre jeunesse. Nous soulignions : « Le plus grand traumatisme social subi par notre pays depuis les dernières années de colonisation est dû à l’exode et à l’extravagante croissance de nos villes : immenses quartiers insalubres, activité économique insuffisante pour assurer l’embauche de la main d’œuvre disponible, structures familiales ébranlées dans leur fondement, débordées par une jeunesse très largement majoritaire, déracinées et prises au piège de ces villes qui ne parviennent à leur assurer ni les structures scolaires, ni l’avenir professionnel, ni le niveau de vie, ni les loisirs auxquels elle aspire. Ainsi, s’accumulent des réserves de frustrations qui pourraient, un jour, dégénérer en violences extrêmes » (n. 32).
Je ne voudrais pas passer pour un pessimiste en citant ce psaume 54 : « Car je vois dans la ville discorde et violence : de jour et de nuit, elles tournent en haut de ses remparts. Au-dedans, crimes et malheurs ; au-dedans, c’est la ruine : fraude et brutalité ne quittent pas ses rues… » (Ps 54,10-12)
Jésus, la Parole de Dieu faite chair est venu demeurer parmi nous pour que nous ayons la vie et la vie en abondance. Pourrions-nous dire qu’avec tout ce qui se passe dans notre société nous ayons vraiment la vie en abondance ? Divisions dans les familles, fausses accusations de sorcellerie, jalousie entre membres d’une même famille, violences dans nos rues, corruption, chrétiens à la foi fragile, changeant de religions à longueur de vie. Tout cela ne peut pas nous aider à vivre dans une société heureuse. Nous devons vivre de la Parole de Dieu.
La Parole de Dieu est Puissance de salut, elle la Parole de vie, Parole sûre, la Parole vivante et efficace. Elle est créatrice de l’homme. Sommes-nous conscients de la Puissance de cette Parole ? Quand à la moindre difficulté nous tournons le dos à cette Parole pour aller consulter ces prétendus hommes de Dieu qui infestent nos quartiers, tous ces demi habiles qui falsifient et travestissent la Parole de Dieu.
D’après St Jean, « il y a beaucoup d’antichrists… ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres… » (1 Jn,2,18-19)
Monseigneur Anatole MILANDOU
Archevêque de Brazzaville