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LES JEUNES ET LEUR AVENIR (Carême 1991)

Publier le 23 février 1991

Frères et sœurs,

A l’occasion du Carême et dans le cadre du thème de réflexion et d’action que nous avons choisi pour cette année pastorale, sous le titre : Préparons l’avenir des jeunes, je vous adresse cette lettre sur la participation de notre Église à la construction d’un avenir meilleur avec les jeunes et pour les jeunes.
Dans le contexte des profonds changements qui affectent la vie politique du Congo, nous avons demandé à tous les chrétiens de notre Diocèse d’entreprendre avec l’aide de la Pastorale d’Ensemble, une réflexion approfondie et concrète sur la participation de notre Église au renouveau des institutions de la société civile et de la démocratie politique dans notre pays.
Pour que la réflexion soit approfondie, nous avons demandé qu’elle se réfère méthodiquement aux sources chrétiennes, c’est-à- dire, à l’Évangile, aux Enseignements du pape et des Évêques et aux travaux des penseurs chrétiens en la matière. De ce point de vue, il est nécessaire que ceux qui entreprennent une réflexion de fond en ces matières difficiles, fassent appel à des animateurs véritablement compétents, prêtres ou laïcs, pour éviter de se fourvoyer, soit par méconnaissance des réalités économiques, sociales et politiques, soit par ignorance de la pensée et de la pratique chrétienne.
Pour que la réflexion soit concrète, nous avons proposé qu’elle se polarise autour de l’avenir des jeunes.
Nous référant à ce qui a été dit à ce propos dans la Lettre Pastorale des Évêques sur l’engagement politique, il faut en convenir qu’aucune approche réaliste des problèmes fondamentaux de notre pays, ne peut en effet faire abstraction du poids démographique, social, économique et culturel des nouvelles générations.
C’est ainsi que nous avons demandé à tous les chrétiens qui s’engageront dans cette réflexion d’Église, de se reposer sans cesse ces trois questions vitales :
Comment préparons nous les jeunes à leur avenir ?
Comment les jeunes se préparent-ils eux-mêmes à leur avenir ?
Quel avenir préparons-nous pour les jeunes ?

Dans cette perspective, chers frères et sœurs, je vous propose de regarder notre Église telle qu’elle est devenue aujourd’hui, après un quart de siècle de marginalisation voulue par le militantisme athée du parti unique qui a dominé durant cette période, notre vie politique culturelle et sociale.

I. LES JEUNES DANS L’ÉGLISE.

Il y a vingt-cinq ans, à l’issue du Congrès Constitutif de la Jeunesse du Mouvement National de la Révolution (JMNR), tous nos mouvements d’action catholiques des jeunes et d’enfants ont été contraints à se disperser, tandis que l’Église devait se retirer des écoles et renoncer à tout enseignement de la religion dans les établissements scolaires.
De l’école primaire à l’université, en histoire, en économie, en philosophie, des générations entières ont été soumises à un enseignement unilatéral, aligné sur les thèses du marxisme-léninisme, tandis que la religion et l’Église étaient le plus souvent dénigrées, et les jeunes croyants pris à partie par leurs camarades, par les activités des jeunesses du parti et par les professeurs eux-mêmes.
Dès 1965, la dernière génération des militants chrétiens des anciens mouvements se dispersa ; les uns en exil, les autres dans le silence, d’autres enfin, rejoignant un à un les structures nouvelles pour y assurer leurs carrières professionnels.
Or, en dépit de tous ses efforts accomplis pour séparer de leurs Églises les jeunes de notre pays, nous avons assisté, surtout depuis la fin des années 1970 à un retour progressif des enfants et des jeunes dans nos communautés paroissiales.
Ce grand retour des jeunes a été l’une des principales grâces reçues de Dieu par notre Église au cours de ce dernier quart de siècle.

II. CE QUE LES JEUNES FONT POUR L’ÉGLISE.

C’est pourquoi, avant de réfléchir avec vous à ce que l’Église pourrait ou devait faire pour les jeunes, je voudrais dire ici ce que les jeunes ont fait et font aujourd’hui pour l’Église.

1. Le service de la catéchèse.

Dès la nationalisation des écoles en 1965, sur appel des Évêques du Congo, les jeunes se sont investis en grand nombre dans la catéchèse.
C’est un fait que, dans notre capitale, la catéchèse des enfants est principalement assurés par les jeunes. Sans l’engagement massif des jeunes gens et des jeunes filles, nous n’aurions jamais pu accueillir comme nous l’avons fait ces dernières années, des milliers d’enfants, pour les initier aux vérités de la foi, à la lecture de l’Évangile, à la pratique des vertus chrétiennes et à la vie en Église.
A ce sujet, nous voulons fixer aux responsables des paroisses, deux objectifs :

Le premier est d’inciter de plus en plus les adultes à rejoindre en plus grand nombre les jeunes sur ce vaste chantier de la catéchèse, où se joue une part essentielle de l’avenir de l’Église.
Le deuxième objectif est de faire évoluer l’organisation de nos paroisses et de nos communautés chrétiennes, de telle sorte qu’une plus grande attention soit portée aux jeunes catéchistes eux-mêmes.
Il ne suffit pas, en effet, d’utiliser les jeunes. Il faut faire aussi tout ce qui est en notre pouvoir pour que les services qu’ils rendent leur apportent des possibilités concrètes de croissance personnelle, spirituelle, intellectuelle, morale et sociale.
Le service de la catéchèse doit devenir de plus en plus une école de vie pour les catéchistes et une véritable pépinière d’excellents éducateurs pour notre Église et notre pays.

2 Le service de la liturgie.

Dans le même temps, des centaines de jeunes ont rejoint les communautés d’enfants de chœur et les chorales pour le service de la liturgie.
Là encore, nous insistons, pour que dans notre Église, on se soucie de doter nos grands services liturgiques de moyens éducatifs, propres à faire grandir dans toutes les vertus sociales et chrétiennes, les jeunes qui s’y dévouent.
C’est dans ce but en particulier que nous avons créé au service des chorales, la Commission de Musique et Arts Sacrés (CMAS), à laquelle nous avons confié, non seulement la mission de veiller à la qualité des chants composés pour la liturgie, mais aussi à l’éducation des choristes, à leur formation liturgique et à leur initiation aux données spirituelles et culturelles fondamentales en matière de chant et de musique sacrée.
Dans la tradition de l’Église, les chorales ont toujours été appelées des schola c’est-à-dire des écoles. Puissent nos groupes de jeunes engagés au service de la liturgie, mériter chaque jour davantage le tire d’école de la vie, de la foi et de la culture.

3. Communautés éducatives.

Sur le plan éducatif, nous avons vu, avec une grande espérance, les jeunes reconstitués au sein de nos paroisses, sous des formes diverses, anciennes et nouvelles, de véritables communautés de vie et de prière, et de vrais mouvements apostoliques.
Très vite nous avons vu les Yamboté redonner vie à l’action catholique de l’enfance et se mettre au service des centres aérés durant les vacances.
Les Telema nous ont apporté la spiritualité du mouvement eucharistique international des jeunes.
Les communautés St Kisito ont proposé un projet éducatif de l’enfance à l’âge adulte.
La Légion de Marie, les Scholas populaires et l’Archiconfrérie du Saint-Esprit ont de nouveau accueilli un nombre sans cesse croissant de jeunes gens et de jeunes filles et les initient à l’apostolat.
Cependant de nombreuses Fraternités de jeunes se créaient dans toutes les paroisses, à l’instar des Fraternités féminines et parfois sous leur direction.
Plus récemment, la belle intuition pédagogique lancée au Zaïre par Mgr Matondo-kwa-Nzarnbi avec les Bilenge ya mwinda ( les jeunes de lumière), trouvaient chez nous les premiers initiateurs.
Enfin, nous voyons de centaines de jeunes rejoindre les assemblées de prière du Renouveau dans l’esprit où beaucoup d’entre eux se convertissent généreusement à une nouvelle vie selon l’Évangile.
Des milliers de jeunes ont ainsi trouvé dans notre Église, des communautés de vie et de réflexion pour grandir ensemble humainement et spirituellement.
Aucun obstacle ne subsiste désormais à notre volonté de mettre en pleine lumière la fonction éducatrice de ces structures que les jeunes eux-mêmes ont reconstituées à l’abri de nos paroisses.
Notre devoir aujourd’hui est d’étudier soigneusement le projet éducatif de chaque Fraternité, Communauté ou Mouvement, afin de le compléter si nécessaire, et de le mettre en œuvre dans toutes ses dimensions humaines, sociales, ecclésiales et spirituelles. Dans cette tâche, nous encourageons les jeunes responsables qui s’y dévouent. Puissent les adultes, hommes et femmes se mettre également en plus grand nombre au service des mouvements des jeunes.
Nous invitons spécialement nos jeunes prêtres et nos séminaristes à prendre conscience de ce que le service de la jeunesse constitue dans notre Église une des priorités.

4. L’initiative sociale des jeunes.

Mais il nous a été donné de voir dans un quatrième aspect de l’initiative des jeunes dans notre Église pour lequel nous voulons rendre grâce à Dieu.
Peu à peu, en effet, les jeunes ont repris au sein de nos communautés paroissiales des initiatives sociales.
Les ateliers scolaires dans nos bibliothèques ont soutenu le travail personnel des élèves les plus motivés.
Les chantiers ville-campagne portent déjà quelques premiers fruits dans le retour des jeunes à la terre.
L’éducation spécialisée en milieu ouvert a trouvé dans nos paroisses, des éducateurs bénévoles et dévoués.
Le Forum des Jeunes Entreprises et les Groupes d’Initiatives se préoccupent des jeunes en recherche d’activité qui décident de créer par eux-mêmes leur emploi.
Nous mettons une grande espérance dans les initiatives sociales des jeunes. Elles seront de véritables pépinières d’hommes responsables formés au service du bien commun.

III LES JEUNES ET LA POLITIQUE.

Frères et sœurs,
Quand se multiplient chez nous les partis politiques et quand le débat politique envahit nos conversations quotidiennes, la question se pose de savoir, quelle devait être la participation des jeunes chrétiens à ce mouvement du renouveau démocratique pluraliste dans notre pays.
A ce sujet, je vous propose de réfléchir très sérieusement aux points suivants :
a) En premier lieu, l’avenir social, économique, politique de notre pays ne se joue pas uniquement, ni même principalement au niveau des partis politiques proprement dits.
Il nous faut estimer à leur véritable valeur les engagements des jeunes dans les services de l’Église, dans les mouvements de jeunesse et dans les initiatives sociales et culturelles qu’ils prennent.
Ces engagements, même s’ils se situent résolument au niveau de l’Église et de la société civile, ont par eux-mêmes, une grande signification politique au sens plus large de participation active et réfléchie à l’édification du bien commun national.
Nous devons aider les jeunes à découvrir la portée sociale de leurs initiatives et de leurs engagements ecclésiaux, sans pour autant accepter que les propagandes politiques partisanes agitent et divisent nos communautés ecclésiales et politisent nos mouvements chrétiens de jeunesse au risque de les corrompre.
Nous avons été marginalisés il y a vingt-cinq ans au Congrès constitutif de la Jeunesse du Mouvement National de la Révolution (JMNR), parce que nous avons déclaré que les organisations des jeunes au sein de nos Églises sont des mouvements ou association d’éducation, de spiritualité, d’apostolat, d’initiative sociale et civique qui ne doivent en aucune façon se transformer en jeunesse de tel ou tel parti, ni prendre part aux compétitions politiques, en vue de renverser, de renforcer, ou de conquérir le pouvoir d’État.
b) En deuxième lieu, les enfants et les adolescents ne doivent pas être soumis à une quelconque propagande politique, ni dans les mouvements auxquels ils participent, ni dans les établissements scolaires qu’ils fréquentent.
Il n’est pas tolérable que les enfants et les adolescents soient mobilisés pour des manifestations de soutien ou de rejet d’un parti ou d’une personnalité politique (cf. art. 14 § 1 et art. 15 § 1 de la Convention de l’ONU sur les Droits de l’enfant, du 20 novembre 1989).

Ces pratiques courantes sous toutes les dictatures sont des atteintes à la liberté des enfants ou des adolescents qui n’ont pas l’âge de s’engager en politique ; elles portent aussi atteintes à la liberté et à la paix de leurs familles.
c) En revanche, les jeunes parvenus à leur majorité et jouissant du droit de vote, ont les mêmes devoirs et les mêmes droits que tous les citoyens de s’intéresser et de participer à la vie politique de leur pays.
Nous ne pouvons que féliciter, tout en leur laissant l’entière responsabilité de leurs initiatives en matière politique, les jeunes chrétiens adultes qui, en s’entourant de conseillers compétents, créent des associations spécifiques au sein desquelles, ils peuvent réfléchir et se former à leurs engagements socio-politiques en se référant librement aux sources de la pensée chrétienne en la matière.

IV. QUE PEUT FAIRE, QUE DOIT FAIRE L’ÉGLISE POUR LES JEUNES ?

Mais aujourd’hui nombreux sont les jeunes et les parents qui se tournent vers l’Église pour lui demander ce qu’elle peut faire, ce qu’elle va faire pour les jeunes.
Frères et sœurs, précisons d’abord qu’il ne peut s’agir d’une question qui s’adresserait seulement aux Évêques, aux Prêtres et aux Congrégations religieuses.
Vivons ensemble l’enseignement du concile Vatican II sur la nature, la mission et la constitution de l’Église. Tous les baptisés sont dan l’Église, tous ensemble nous sommes cette Église que nous interpellons aujourd’hui.
C’est pourquoi nous vous avons demandé de vous interroger en familles, en communautés paroissiales, en mouvements, en communautés de base et au sein de toutes nos structures et organisations d’Église. Que pouvons-nous, que devons-nous faire pour préparer l’avenir des jeunes ?

1. Évangéliser nos familles.

Notre premier devoir vis-à-vis des jeunes est de porter au cœur de nos familles la lumière d’un Évangile généreusement vécu et fidèlement pratiqué. Seul l’Évangile vécu peut apporter à nos coutumes familiales le nouveau ferment qui leur est nécessaire pour que, loin de dégénérer, elles se renouvellent pour les temps nouveaux et pour le bonheur de nos enfants.
Nous nous sommes longuement expliqués à ce sujet dans notre lettre sur la Famille et le Mariage chrétien à l’issue de l’année pastorale de la famille en 1985.

La famille, écrivions-nous, peut redevenir dans les temps modernes ce qu’elle a été dans le passé, la grande chance de notre société. Que de ressources pour l’éducation de nos enfants, leur initiation à la vie et aux réalités de notre nation et pour leur orientation, que nos grandes familles étendues et diverses ; chacune étant à elle seule comme une petite nation répartie sur la ville et sur la campagne entre l’université et les ateliers artisanaux, en passant par l’école primaire et secondaire, entre la fonction publique, les entreprises et le commerce, riche de la science des uns et de la sagesse des autres. Puisons-nous, frères et sœurs, être au sein de nos familles les liens de charité, les sources de la vie et du bonheur au nom de Jésus-Christ Notre Seigneur” !
Mais une telle ambition de renouveler nos vies familiales implique plusieurs exigences. Nous voudrions insister particulièrement sur deux d’entre elles : fonder les couples chrétiens sur la grâce de Dieu et renouveler nos solidarités familiales traditionnelles.

2. Les couples chrétiens.

Nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité de la mise en œuvre généreuse et fidèle de la spiritualité du sacrement de mariage. Car seuls les couples fondés sur le roc de l’amour divin peuvent régénérer la vie familiale.
C’est pourquoi nous devons nous appliquer au renouveau de la pratique des fiançailles chrétiennes que des jeunes de plus en plus nombreux redécouvrent ces derniers temps.
A ce sujet, nous rappelons que les parents chrétiens qui, sous prétexte de fidélité à la coutume font obstacle par leurs exigences financières quasi insurmontables à la célébration du mariage religieux de leurs enfants se mettent en état de péché grave.
Étant sauf le juste respect dû aux parents et aux anciens, j’estime au contraire que l’on doit tout faire pour encourager les jeunes qui se sont choisis en toute prudence et générosité, à s’engager sans tarder dans les liens du mariage chrétien.
Par ailleurs, on portera une attention toute particulière aux jeunes couples qui ont à cœur de vivre jusqu’au bout dans la chasteté le temps béni de leurs fiançailles chrétiennes.

3. La solidarité familiale.

Une autre exigence traditionnelle de la vie familiale prend de nos jours un regain d’actualité. Il s’agit de la solidarité familiale et de la capacité d’initiative économique des familles, en ville, comme à la campagne.
Tout le monde sait aujourd’hui que l’école ne débouche plus nécessairement sur un emploi administratif ou sur une embauche dans le secteur moderne de l’économie.

Un nombre croissant de jeunes devrons désormais, à la fin de leur scolarité, s’investir dans le secteur informel de l’économie, c’est-à-dire dans l’économie familiale traditionnelle en évolution : artisanat, commerce et agriculture.
Nos familles doivent s’initier à ces nouvelles réalités. L’orientation d’un jeune exige de nos jours de la part de sa famille une nouvelle ouverture d’esprit et un dynamisme nouveau.
Moins que jamais nous ne pouvons nous permettre de laisser se développer au sein de nos familles les jalousies, les malédictions et les conflits de génération qui ruinent la solidarité traditionnelle dont les jeunes ont plus que jamais besoin.
Notre Église doit s’engager dans une pastorale familiale dynamique et concrète et mettre au service des familles de véritables ministères de conseil et de réconciliation.
C’est là le premier service que nous pouvons rendre aux nouvelles générations.

4. Les écoles et l’apprentissage.

Beaucoup de gens se demandent quelles initiatives nos communautés ecclésiales peuvent prendre dans le domaine scolaire proprement dit et dans celui de l’apprentissage et du développement économique et social.
En ce qui concerne les écoles, les Évêques du Congo, dans leur dernière lettre pastorale, Engagement politique, non-violence et fraternité, ont mis en évidence deux aspects fondamentaux du problème.
En premier lieu, il sera nécessaire que les laïcs chrétiens eux-mêmes et tout particulièrement les chrétiens enseignants et les parents d’élèves, expriment clairement leurs pensées à ce sujet et prennent déjà les initiatives autorisées par la loi pour former des associations capables de créer des écoles libres où régneraient la bonne discipline et l’esprit de travail.
Cela suppose que vous vous donniez le temps et les moyens de réfléchir très sérieusement aux données actuelles du problème.
Mais en deuxième lieu, il sera nécessaire qu’un dialogue s’instaure à ce sujet entre l’Église et l’État, ce qui ne pourra désormais se faire utilement qu’après la mise en place des nouvelles institutions.
En attendant nous pouvons d’ores et déjà prendre de nombreuses initiatives en faveur des jeunes déscolarisés en vue de les aider à s’insérer dans la vie économique.
Plusieurs initiatives prises dans notre ville de Brazzaville nous ouvrent déjà des chemins nouveaux. Nous pouvons citer, les centres de polio où fonctionnent les écoles maternelles, École spéciale de la sœur Marguerite, les Bibliothèques paroissiales et les ateliers scolaires, le Foyer des Mineurs, le centre d’apprentissage rural de Mouyeri, le centre de préapprentissage du Foyer Abraham, le groupe d’initiative de St Kizito, Forum des jeunes entreprises, l’Association des femmes pour les jeunes de la rue... Au tant d’expériences à partir desquelles notre Église peut élaborer un véritable plan d’initiatives pour l’avenir des jeunes.
Nous pouvons nous appuyer d’une part sur le dynamisme propre de nos communautés et d’autre part sur l’aide internationale qui n’a jamais fait défaut à nos œuvres d’Église, lorsqu’elles sont bien conduites et propres à promouvoir le développement économique et social.

5, L’Église et les collectivités locales.

Enfin, il y a une troisième dimension de notre présence, de nos initiatives et de nos réflexions sur laquelle nous voulons attirer votre attention.
L’un des effets le plus salutaire du renouveau démocratique auquel nous voulons pleinement participer, sera l’affranchissement des collectivités locales de la tutelle exclusive d’un parti unique.
L’initiative rendue à toutes les institutions de la société civile, sans exclusive, va permettre un renouvellement profond de la vie des villages, des quartiers et des municipalités.
Loin de nous isoler dans nos initiatives individuelles et nos réflexions spécifiques, nous devons faire en sorte que nos communautés de quartier et de village, nos organisations et nos mouvements et nos communautés paroissiales s’insèrent harmonieusement dans la vie locale en collaborant au bien-commun avec tous les gens de bonne volonté.
C’est en effet à ce niveau que beaucoup de problèmes fondamentaux pour les jeunes en particulier doivent trouver leurs solutions.
Nous pouvons citer la salubrité morale, la sécurité, les loisirs, l’hygiène, l’école, l’apprentissage, la santé, l’entretien des routes, le développement des initiatives économiques de base, les associations éducatives, sportives et culturelles.
Transformons nos quartiers et nos villages et nous écarterons de la vie de nos jeunes bien des dangers, et bien des occasions de contaminations physiques, spirituelles et morales, tout en leur facilitant leur intégration progressive dans la vie sociale.
Mais surtout, invitons les jeunes eux-mêmes au renouvellement de la vie locale, soutenons leurs initiatives, c’est la meilleure façon de les faire grandir dans la société et progresser dans la démocratie.

V ÊTRE NOUS MÊMES ET NOUS OUVRIR AUX AUTRES.

Frères et sœurs, nous vous invitons de toutes sortes de manière à la réflexion et à l’action.
Mais en toutes choses efforçons-nous d’être ce que nous devons être, l’Églises de Jésus-Christ accomplissant sa mission de salut, tout en ouvrant de tout cœur aux autres collectivités locales des initiatives nouvelles.
Nos initiatives ont besoin d’être réfléchies et concertées, de s’appuyer sur de vraie compétences et de bénéficier de toute sorte de coopération.
Pour l’avenir de nos jeunes, le Seigneur nous demande de nous asseoir en Églises et de prendre une nouvelle conscience de la diversité et de la richesse de nos moyens propres.
Mais le Seigneur nous demande aussi et en même temps d’être présents partout, où il y a du bien à faire, un avenir à préparer, des vertus chrétiennes à investir. Relisez à ce sujet la Lettre Pastorale des Évêques du Congo, rédigée à Ouesso l’an dernier.

CONCLUSION

Enfin je voudrais m’adresser particulièrement à vous, jeunes gens et jeunes filles, l’espoir de demain.
Je n’ignore pas le contexte combien difficile dans lequel nous vivons avec son cortège de maux : chômage, crise sociopolitique, économico-culturelle, désagrégation de la famille. Mais devant cette situation, votre force doit être l’espérance. Comme le dit Jean-Paul II :
« L’espérance est en vous parce que vous appartenez à l’avenir. comme l’avenir vous appartient. L’espérance, en effet, est toujours liée à l’avenir, elle est l’attente des biens à venir. En tant que vertu chrétienne, elle ne fait qu’un avec l’attente des biens éternels que Dieu a promis à l’homme Jésus-Christ (…) et simultanément elle est l’attente des biens que l’homme réalisera, en utilisant les talents que la providence lui a donnés » (Lettre aux jeunes à l’occasion de l’année internationale de la jeunesse, 1985).
Espérer, c’est donc prendre le temps de se tourner vers l’avenir ; or votre âge exprime même cet avenir, vous n’avez pas le droit de vous bloquer, de vous décourager dans l’immédiat face aux difficultés et à l’incertitude de la situation présente, en vous réfugiant dans l’alcool, la drogue ou en vous livrant à l’érotisme et aux multiples formes du vice ; ce qui détruirait votre potentiel de jeunesse et vous transformerait en épave de la société. Voilà pourquoi, je vous invite à espérer contre toute espérance. L’espérance est une vertu dynamique et constructive : elle veut bâtir un avenir heureux avec des garanties offertes par l’Évangile.
Vous devez affronter la vie avec le Christ et fonder votre espérance en lui. Il s’agit donc pour vous de demeurer en lui afin qu’il demeure en vous (2 Co 5, 17). Devenant ainsi une créature nouvelle, vous serez alors capables de transformer votre milieu de vie et la société.

Vous devez regarder les moments et les événements actuels avec les yeux de la foi, cette foi qui vous aidera à mieux découvrir le vrai sens de la vie et sa plénitude dans le Christ.
En découvrant le Christ, vous découvrez l’amour de Dieu pour les hommes. En vivant à sa suite, vous adhérez au projet salvifique de Dieu pour le monde.
Or la foi, l’espérance et l’amour ou la charité, s’entretiennent par une prière incessante et inlassable, et la prière vous fait rencontrer Jésus.
Aimez donc la prière, source génératrice d’énergie spirituelle qui vous maintiendra dans la fidélité à Jésus.
En ce temps de Carême, puisse le Seigneur vous aider tous à vous convertir profondément au cours de notre marche vers Pâques. Que cette année pastorale renouvelle notre Églises dans le sillage du processus démocratique de notre pays, et que le dynamisme de la présence de l’Esprit-Saint dans le cœur des jeunes les engage à participer d’une manière plus responsable à la préparation de leur avenir, pour le service des hommes et la plus grande gloire de Dieu.

 

Monseigneur Barthélémy Batantu, Archevêque de Brazzaville,
Carême 1991
Brazzaville, le 23 février 1991

 


 

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