GRANDES ORIENTATIONS PASTORALES
Publier le 1er février 2003
« Je n’ai pas la prétention d’apporter des nouveautés à l’Archidiocèse de Brazzaville qui a une longue tradition dans la pastorale. Nous pouvons seulement mettre un accent particulier sur certains points ».
C’est en ces termes que Monseigneur Anatole Milandou, Archevêque de Brazzaville, a introduit ses orientations pastorales de cette année. Il l’a déclaré, lors de la clôture de la session des personnes occupant des responsabilités dans l’Église (Prêtres, Religieux et Religieuses, Présidents des Mouvements Diocésains et des Conseils Paroissiaux), tenue du lundi 8 au mercredi 10 Octobre dernier, à la Cathédrale.
Chers Prêtres,
Chères Révérendes Sœurs et Révérends Frères,
Mesdames et Messieurs les Responsables des Mouvements Diocésains d’Apostolat,
Chers frères et sœurs,
Comme je l’ai dit lors de mon intronisation, le 1er Avril 2001, je n’ai pas la prétention d’apporter des nouveautés à l’Archidiocèse de Brazzaville qui a une longue tradition en matière de pastorale. Mais, nous allons seulement mettre un accent particulier sur certains points.
Avant le lancement de cette nouvelle année pastorale 2001-2002, la Commission de la Pastorale d’Ensemble a organisé une session de formation des personnes occupant des responsabilités dans l’Église (Prêtres, Religieux et Religieuses, Présidents des Mouvements Diocésains et des Conseils Paroissiaux) du lundi 8 au mercredi 10 Octobre 2001 à la Cathédrale. Après deux jours de réflexion, de partage sous le thème « Dialogue, vérité et justice, chemin de paix ».
Pendant ces deux jours, et grâce aux éclairages de la sociologie, de la Bible et de la Catéchèse, à travers les communications et les échanges que nous avons eus, nous avons approfondi les notions du Dialogue, de vérité et de justice comme chemin pour arriver à instaurer une véritable paix dans nos familles, dans nos paroisses, nos communautés chrétiennes et dans tout notre pays. Évidemment, le temps a été assez court pour pouvoir explorer et exploiter un thème aussi riche et vaste. L’essentiel, je crois, ce sont les grands axes qui se sont dégagés de notre rencontre et qui peuvent constituer de véritables balises pour notre action pastorale de cette année. Ce thème n’est pas seulement exploité par notre Archidiocèse, mais également par toute l’Église Congolaise.
Lorsque nous parlons de Dialogue et de Réconciliation, nous avons tendance à penser uniquement aux politiciens, aux gouvernants et aux opposants. Le dialogue et la réconciliation concernent aussi nos propres milieux de vie : les communautés chrétiennes, les quartiers, les villages. En ce moment, je suis à cheval sur deux Diocèses et je peux vous dire que ce qui s’est passé à l’intérieur du pays, au sein des familles, au sein d’un même village, nous interpelle. Donc il y a vraiment nécessité de dialoguer, de se réconcilier, de promouvoir le dialogue.
J’ai vu des mamans qui ont perdu la parole, après avoir été témoins de l’assassinat de leurs enfants, pour ne la recouvrer que tardivement. Tout dernièrement, je suis sorti d’un village où le chef du village me disait : « Monseigneur, nous sommes en otage et on ne sait pas si demain, les jeunes ne vont réagir négativement. Ces jeunes, ce ne sont pas forcément les « miliciens », mais, les jeunes du village, qui croient, que c’est toujours les aînés qui sont en train de les envoûter. Alors ils se font menaçants ». Tout ceci, c’est pour vous dire que, nous avons du pain sur la planche.
Quand nous parlons de dialogue et de réconciliation, ne pensons pas seulement, aux opposants avec le pouvoir, mais aussi, aux chrétiens de nos propres paroisses, aux habitants de nos villages. Il y a du travail à faire.
Je vous remercie vous tous, qui êtes venus participer à cette session. Votre présence nombreuse, votre assiduité, l’intérêt manifesté dans vos interventions disent combien, il est important que nous assoyons une véritable Pastorale d’Ensemble. Cette session de formation est la première de mon épiscopat à la tête de notre Archidiocèse. Profitant de cette occasion, je tiens à vous faire connaître certaines préoccupations pastorales. J’ai parlé d’accents.
Du fonctionnement de l’Archidiocèse
La nouvelle configuration de l’Archidiocèse est une nouvelle expérience que nous tentons ensemble. C’est pour une meilleure répartition du travail et une meilleure prise en charge de certains problèmes, que nous avons créé des Vicariats. Ils ont à charge des offices ecclésiastiques spécifiques : Vicariat pour les Séminaires, le Clergé, Vicariat pour les Religieux et Religieuses, Vicariat pour l’enseignement. Ce sont de grandes questions que nous avons voulu confier à des Vicaires.
En revanche, les zones, qu’on a appelées autrefois des vicariats épiscopaux, sont maintenant devenues des zones pastorales que nous avons nommées doyennés. Donc, nos chrétiens doivent dorénavant être éduqués à respecter cette division de travail afin d’éviter, pour n’importe quel motif, qu’ils montent à l’Archevêché. Je vois, par exemple, des séminaristes ou des candidats aux séminaires qui sont envoyés par des paroisses pour voir l’Évêque, et lui demander ce qu’ils doivent faire pour aller dans une maison de formation. Je trouve cette façon de faire scandaleuse. Vraiment, je vous dis que beaucoup de jeunes viennent chez moi. Finalement, je les renvoie dans leur paroisse respective, afin qu’on leur indique ce qu’il y a à faire, pour entrer dans un séminaire.
Si nous voulons que notre travail soit efficace, que chacun de nous se prenne en charge et respecte ces différentes zones de travail, si nous sommes envahis pour de petites questions ordinaires et quotidiennes, les grands dossiers en notre possession vont souffrir.
On nous le rappelle souvent auprès des organismes. Tout dernièrement, là où nous avons été, en Allemagne, à Rome et ailleurs, ces organismes nous ont dit : « Vous les Évêques, vous ne répondez pas à nos doléances. Quand on vous demande une petite précision, vous n’arrivez pas à nous la fournir ». Il y a des dossiers qui souffrent sur nos bureaux, simplement, parce que, nous sommes envahis tous les jours. Il nous est donc difficile de travailler ou de fournir les explications demandées.
Au mois de Septembre dernier, le Pape m’a écrit. Il me demande en tant qu’Archevêque de Brazzaville, de rendre régulièrement visite aux séminaristes, de les suivre et de les aider à grandir et à mûrir dans leur vocation spécifique au Sacerdoce ministériel. Lorsque j’irai m’asseoir une semaine au Séminaire Saint-Jean ou au Grand Séminaire Émile Biayenda, pour faire la direction canonique, vous allez crier que cet Évêque est toujours absent, ne vient pas célébrer notre messe. Je ne pourrai pas être partout. Donc, pour être efficace, respectons ce que nous avons établi et nous nous sommes donné comme fonctions aux uns et aux autres.
Le Secrétariat : Nous l’avons étoffé. Désormais, nous avons un Secrétaire et un Chancelier qui, malheureusement, est encore au Grand Séminaire. Normalement, il devrait être détaché pour l’efficacité dans le travail.
Je lance un appel aux Religieux, Religieuses capables de faire ce travail, de se rapprocher de nous. Quand nous allons en Europe, nous voyons beaucoup de Religieuses qui travaillent dans les structures des Évêchés. Ici, chez nous, c’est une denrée rare, alors qu’elles pouvaient nous aider dans ce sens.
De la Liturgie
En parlant du dialogue, je n’oublie pas l’enseignement, la formation, l’éducation. Excusez-moi, c’est un leitmotiv. Je reviens sur ce que j’ai dit au début. La vocation essentielle de l’Église. C’est d’enseigner. « Allez, enseigner toutes les nations », je ne veux pas revenir là-dessus. Je vous ai cité Saint Paul, le Prophète Osée a parlé des Prêtres qui n’instruisent pas le peuple qui meurt faute de connaissance. Donc donnez de l’importance à la science, à la connaissance, à l’éducation, à la formation. C’est ce que Saint Paul appelle : « Enseigner à temps et à contre temps » (cf 2 Timothée 4, 2). Alors, suite à l’assaut des sectes qui gagnent de plus en plus du terrain et suite au climat morose teinté parfois de suspicion sur les rapports de l’Église avec l’État, évitons, le caractère populiste de nos célébrations liturgiques. Il nous faut revenir à une certaine rigueur notamment, dans :
la réparation écrite ou rigoureuse de nos homélies, qui doivent se limiter à l’annonce de la Bonne Nouvelle, pour éviter les digressions, les tentations très faciles et qui nous guettent, lorsque nous ne les avons pas écrites, et lorsque nous nous trouvons devant un micro.
dire l’homélie, c’est actualiser la parole de Dieu pour l’homme d’aujourd’hui.
De la procession des offrandes : Pour la procession des offrandes, la danse est l’expression de joie de la communauté, heureuse d’offrir à Dieu le fruit de leurs mains ou de leur travail, comme on nous l’a rappelé tout au long de cette session. C’est avec ces offrandes que fait l’Eucharistie. Il faut donc se garder de la banaliser par son rythme répétitif, de la profaner par son caractère exhibitionniste, de l’alourdir par sa longueur, au risque d’ennuyer. On ne va pas à Dieu d’un pas lourd, mais d’un pas alerte. Pourquoi, par exemple, lorsque les six filles qui amènent quelques bananes doivent-elles prendre plus de temps que le Prêtre qui a prononcé son homélie de quelques minutes. Là, il y a réflexion. Que les sœurs ou tous ceux qui ont la charge de gérer ces groupes soient vigilants et inventifs.
La gestuelle théâtrale des Enfants de Chœur : Les gestes des Enfants de Chœur sont-ils appropriés ? Invitent-ils à la prière ? Sont-ils l’expression de prière de la communauté ? Ou une simple fantaisie des Enfants de Chœur ? Ici aussi, il faut que les liturgies soient un peu plus regardantes.
De la Pastorale d’Ensemble
Pour que l’on puisse observer le déroulement de notre Archidiocèse, on se rend à l’évidence, qu’il y a beaucoup d’initiatives qui se prennent ici et là. Chacun de nous traduit son engagement pastoral et son zèle apostolique à travers diverses activités. Cela prouve la vitalité de notre Archidiocèse. Mais toutes ces activités ne portent pas les fruits escomptés, faute d’une véritable coordination et d’un vrai suivi sur une véritable activité Pastorale d’Ensemble. C’est pourquoi, je voudrais inviter tous les Responsables à organiser des activités paroissiales, communautaires, en tenant compte des activités programmées au niveau du Diocèse, pour éviter une Église à double vitesse.
Des Commissions
Au moment où nous parlons, la plupart des commissions diocésaines sont connues. Il est plus souhaitable que ces commissions se mettent au travail, en s’attelant à définir les objectifs à atteindre au cours de cette année pastorale, sous la bannière du thème que nous avons énoncé au cours de cette session.
Que dans les meilleurs délais, les Responsables de ces commissions, les Doyens et les Aumôniers se concertent pour le calendrier des activités du Diocèse. Par ailleurs, que la Procure et le Vicariat Général fassent en sorte que toutes les commissions aient des locaux et des jours de permanence définis.
De la Commission Justice et Paix
Née au lendemain des guerres, cette commission est suspectée et taxée de faire de la politique, alors beaucoup de chrétiens sont réticents à faire partie de cette commission. J’ai vu un papa qui était membre d’une commission et ses enfants lui ont écrit : « Voilà, tu viens de tout perdre et tu entres dans cette commission. Tu fais de la politique et demain tu vas encore tout perdre ». J’ai dit à ce papa : « Tu ne faisais pas de la politique lorsque tu as tout perdu. Que tu aies fait de la politique ou pas, mais tu as tout perdu. Donc, ce n’est pas le fait de faire de la politique que tu vas tout perdre ». Il faut que l’on explique aux chrétiens : faire la politique, n’est pas un péché. Au contraire, le Pape Paul VI invitait les chrétiens à s’engager dans la politique, a-t-il dit : c’est la meilleure forme de charité, parce que, politique veut dire bâtir la cité, chercher le bien des populations. C’est cela la véritable notion de la politique. C’est nous qui l’avons avili, ce mot là. Tout cela doit être expliqué à nos chrétiens. Nous insistons sur l’enseignement social de l’Église, pour qu’il y ait des chrétiens suffisamment et qualitativement préparés pour que, quand demain ils sont au poste de responsabilité, que l’on sente une certaine lueur. Il faut expliquer la nature de ladite commission, sa vocation et montrer le but poursuivi, même en temps de paix. Cette commission ne doit pas seulement exister pendant les guerres, mais même et surtout en temps de paix. Allez-y voir nos prisons, ce qui s’y passe. C’est inhumain parfois, les situations qu’ils vivent là-bas. Grâce à la Commission Justice et Paix, on peut corriger beaucoup de choses.
Voyez ce qui se passe dans nos villages, dans nos familles, si on a des commissions de paix, bien structurées, on évitera pas mal de petites choses.
Donc, cette commission reçoit essentiellement la mission de se doter d’outils nécessaires, pour vulgariser ses objectifs auprès des paroisses et réfléchir sérieusement sur la mise en œuvre de ce qui relève de la justice et paix.
Je souhaite que cette commission s’occupe aussi des questions des enfants de la rue, qui ont été récupérés et qu’aujourd’hui, on a du mal à intégrer dans les structures scolaires adéquates. Si l’on peut s’inspirer de l’exemple de Pointe-Noire, qui a déjà une avance dans ce domaine pour nous dire en quoi elle consiste et qu’est-ce qu’ils font. Nous serions vraiment édifiés à travers leurs expériences.
Des Communautés Ecclésiales
Cette initiative peut être une voie de salut pour notre Église, parce qu’elle permet de faire entrer le message du Christ dans les familles, les foyers et les quartiers. Elles doivent faire l’objet d’une grande attention. Que les Responsables de la Pastorale créent un département qui, avec l’aide des paroisses où l’expérience a bien porté, se pencheront à l’installation de ses communautés de base dans les 32 ou 33 paroisses fonctionnelles de notre Archidiocèse. Ce travail est un préalable pour que nous puissions faire de ces communautés de base une option pour notre Église.
De la Question Spécifique de la Femme
Au regard du retard que nous avons accusé dans l’exploitation de ce questionnaire à Brazzaville, que les Curés des Paroisses avec l’aide des Conseils Pastoraux ou Paroissiaux, mettent tout en œuvre pour que d’ici la fin du trimestre, les réponses parviennent au Secrétariat de la Pastorale d’Ensemble. Ne négligeons pas ce secteur, car ne dit-on pas qu’éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation ? Donc, c’est une occasion qui nous est donnée pour que les Évêques de l’ACERAC puissent dire une parole à propos de la femme dans la cité et dans l’Église.
J’invite toutes les femmes à y répondre, car c’est à elles que ce questionnaire est destinés, ceci pour éviter que les hommes encore ne s’en accaparent et n’y mettent leur empreinte.
De la Jeunesse
Sans oublier les autres couches de la société, la jeunesse est le groupe le plus privilégié de notre Apostolat. Le Pape Jean Paul II nous le rappelle dans son exhortation post Jubilaire Novo millenio inunte. A côté de cette lettre, il ne faut pas oublier l’interpellation du Nonce Apostolique Luigi Pezzuto, qui est parti pendant la guerre de 1997. Il nous a dit à Kinkala, à l’occasion de la Conférence Épiscopale du Congo tenue dans ce Diocèse : « Le laïcat devrait sortir d’une situation, et non d’être seulement des consommateurs de culte et de sacrements. Les laïcs devront apprendre à ne pas réduire l’Église à des rites de prières, excluant, la vitalité des engagements sociaux. Ceci, au contraire, devrait favoriser le chrétien à être soucieux d’y entrer. La vie sacramentelle est le sens de la prière qui introduit à un monde de la grâce qui comporte la prise en charge des réalités économique, sociale et politique. C’est seulement ainsi que l’Église sera vraie et son influence pourra donner une contribution valable à la solution des problèmes, qui, agitent la société. On comprend donc aisément le caractère prioritaire dans le cadre d’un projet de pastorale nationale, d’un travail approfondit de catéchèse. La priorité des priorités, tout le monde semble le reconnaître, même en dehors du milieu ecclésiastique, c’est la jeunesse. Même avant la guerre de 1997, la jeunesse posait bien des questions à la société dans son ensemble ».
La question de la pauvreté, surtout dans un monde où règne l’attrait des biens de consommation moderne et où l’on amène et continue d’amener une insatisfaction capable d’en déséquilibrer plus d’un individu, dans la distribution incontrôlée des armes a permis l’acquisition de ces biens sans aucun effort. (Les pillages sont des mauvais exemples que l’on peut citer). Pour faire face à cette situation dramatique dans laquelle la jeunesse brouille, une éducation pour un développement intégral, économique, humain, morale, spirituel est à dispenser. Dans les conditions actuelles, sans entrer dans un esprit de concurrence mesquine avec l’Etat, l’Église doit faire preuve de beaucoup d’audace en cette éducation forte de sa tradition millénaire en la matière (fin de citation).
Avant cela, en 1986, les Évêques du Congo, en parlant de la situation scolaire de notre jeunesse ont dit ceci : L’accueil et l’éducation des jeunes sont pour nous des tâches qui découlent tout naturellement de notre pastorale familiale. Les familles chrétiennes orientent leurs enfants vers nos paroisses, pour qu’ils y reçoivent une initiation chrétienne et qu’ils y trouvent un milieu sain et enrichissant, sur lequel ils puissent prendre l’appui pour grandir et se développer spirituellement, moralement et culturellement. La situation scolaire est en train de devenir un véritable drame national. Nous en appelons à la conscience de tous : enseignants, élèves et parents d’élèves, afin de mettre tout en œuvre pour restaurer le moral et la moralité des uns et des autres au sein de nos institutions scolaires (fin de citation).
De la Bonne Gouvernance et la Bonne Gestion de nos Paroisses
A Pointe-Noire, du 1er au 7 Juin 2000, lors de la 28e session de l’assemblée plénière annuelle, les Évêques du Congo abordaient un thème inhabituel intitulé : Gestion des biens dans l’Église : Éthique et responsabilité. C’est vous dire l’importance du sujet. Au cours de cette assemblée, nous avons pris un engagement ferme de gérer désormais les biens d’Église, selon les règles modernes de gestion. Aujourd’hui, Rome ne peut plus accorder des subsides à un Diocèse, si en partant, celui-ci n’a pas envoyé le bilan financier de l’année écoulée.
A Rome, en Allemagne comme en France, nous avons pris les mêmes engagements auprès des organismes financiers d’Église.
Vous attendez de notre économat la transparence, la bonne gestion des finances de notre Archidiocèse ? C’est normal et c’est votre droit. Mais, par contre, nous aussi, nous attendons également de vos paroisses la même chose.
Au niveau de la Conférence Épiscopale, nous avons commis une équipe d’experts qui sont en train de faire l’expertise à ce niveau. Cela aussi se fait déjà dans les différents Diocèses de notre pays. Donc, je tiens à vous signaler que très bientôt vous verrez ces experts descendre dans vos paroisses pour un travail analogue. Ne vous étonnez pas.
De la Justification des Projets
Un dossier reste toujours ouvert jusqu’à la justification totale. Dès mon arrivée à la tête de l’Archidiocèse, tous les organismes d’Église : Missio, Misereor et bien d’autres m’ont envoyé tous les projets auxquels nous devons des justifications.
Tout dernièrement, lors de notre visite ad-limina à Rome, cela a été pratiquement un tribunal. Ils nous ont dit : « Monseigneur, tant que vous n’aurez pas à justifier les derniers projets, soyez-en sûr que ces dossiers seront toujours ouverts. Donnez-nous des explications à propos ». Voyez-vous dans quel embarras nous nous trouvons ?
Pour cela, j’ai donné des consignes strictes à ce sujet et je pense que nous n’allons pas badiner dans ce sens. Cette disposition concerne tout le monde, Responsables des Conseils Paroissiaux et Prêtres. Évitons dorénavant la course à l’argent. Prenons parfois la distance par rapport à celui-ci. Nous avons les échos que dans certaines de nos paroisses, c’est une véritable bagarre engagée entre le Clergé et les laïcs et parfois entre Prêtres.
De même est institué un Conseil Diocésain aux Affaires Économiques, de même aussi qu’il en sera autant dans chaque paroisse. Cette façon de faire est recommandée par le Droit Canon.
Voilà ce qui en sera de la gestion de nos paroisses.
Des Actions Concrètes
Je commence d’abord par les collectes, c’est-à-dire les quêtes. Je suis en train d’élaborer un petit directoire qui, bientôt, vous parviendra. Je l’ai intitulé : Instructions sur les différentes collectes. Là-dedans, il y a une partie théologique (biblique), le sens de la dîme ou le mystère de la dîme. Je voudrais le signifier pour que nos chrétiens le sachent, car nous sommes tenus à honorer chaque année certaines cotisations, qui sont réparties en trois catégories : la quête romaine, les Œuvres Pontificales Missionnaires et la quête de la Terre Sainte.
La quête romaine ou denier de Saint Pierre : Elle va droit à Rome. Chaque fois que nous ne nous en sommes pas acquittés, le Nonce Apostolique nous le rappelle par écrit, en ces termes : « En signe de solidarité avec l’Église Universelle, chaque Diocèse est invité à donner une contribution financière aussi petite soit-elle pour des œuvres de charité du Saint Père ». Cette quête est appelée aussi denier de Saint Pierre.
Les Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM) ou quête des missions. Celle-ci a lieu chaque année et est fixée à l’avant dernier dimanche du mois d’Octobre. Nos chrétiens la connaissent par la quête des missions.
La quête de la Terre Sainte : Cette quête est organisée le Vendredi-Saint, au profit de la Congrégation des Églises Orientales.
Voilà donc, ce sont là les trois collectes qui sont envoyées à Rome par le truchement de la Nonciature Apostolique, en faveur des destinataires.
Notre Église reçoit beaucoup de ses organismes, c’est pourquoi, ils attendent de nous, en retour, de petits gestes de solidarité, en union avec l’Église entière. Toujours à Rome où l’on a été en visite ad-limina, ils nous l’ont rappelé que depuis près de deux ans nous ne nous sommes pas encore acquittés de ces droits. Et le pays cité comme modèle en Afrique noire, c’est le Burkina-Faso.
En ce début d’année pastorale, je tiens à vous instruire que les diverses collectes que nous devons honorer chaque année.
Les prêtres voudront les mettre en valeur (en exergue) tout en soulignant, par conséquent, le caractère exceptionnel biblique. Ces cotisations nous rappellent les collectes organisées par Paul pour les Églises pauvres de Judée. Le cœur du croyant doit s’élargir aux dimensions d’Église Universelle. La quête de ce dimanche des missions est consacrée entièrement au soutien des Églises pauvres du monde. Notre Église du Congo en fait partie.
Cet argent collecté à travers toute l’Église du monde est répartie aux Diocèses du tiers-monde. Quelle que soit la somme collectée, pour nous c’est le geste qui compte, c’est l’obole du pauvre.
S’il m’est permis de prendre l’exemple du Diocèse de Kinkala, où le Père Leborgne, lorsqu’il s’est mis à expliquer cette question aux chrétiens de la zone rurale, nous a ramené près de 500.000 F CFA.
Donc, les Prêtres doivent se mettre au travail. Sachez l’expliquer à vos fidèles. Dites leur que quand nous faisons des projets à Rome, c’est cet argent qui nous est redistribué.
Des Quêtes Statutaires de l’Archidiocèse
Notre Archidiocèse comme les autres Diocèses du Congo est membre de plusieurs organisations, nationale et internationale. A cet effet et chaque année, il doit s’acquitter des droits statutaires exigés par ces associations. Voici précisément ces cotisations statutaires :
Le SCAM : Symposium des Conférences d’Afrique et Madagascar. Chaque année et chaque Diocèse doit s’acquitter de 500 dollars soit 350.000 F CFA. Je vous informe que le Congo doit 31.667 dollars. Donc jusque-là aucun sous n’a été versé à cette institution africaine.
L’ACERAC (Association des Conférences des Évêques de la Région de l’Afrique Centrale) 250.000 F CFA.
La CEC (Conférence des Evêques du Congo) 250.000 F CFA
Le COECC-Brazzaville (Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes du Congo) 150.000 F CFA.
Si nous nous amusons à calculer ce que nous devons, c’est autour d’un million de francs CFA de dette que nous devons faire face.
Voilà en gros les quêtes statutaires que l’Archidiocèse devra s’atteler à éponger chaque année.
Dans les jours à venir, nous verrons dans quelle mesure, organiser une collecte spéciale, en faveur de ces différentes institutions.
En plus de cela, il y a nos maisons de formation
La quête pour les séminaires : Sur cette question, j’insiste à ce que les chrétiens participent à la formation des Prêtres. Nos maisons de formations constituent la charge financière la plus lourde de chaque Diocèse et de notre Archidiocèse. Comme exemple, je vous dis qu’un grand séminariste nous revient en moyenne à 400.000 F CFA et en plus de ce que Rome donne directement à l’établissement. Les Évêques sont tenus de payer pour chaque séminaire de leurs Diocèses la somme de 400.000 F CFA. Lorsque nous les envoyons à Kinshasa, au Cameroun ou ailleurs, cela nous coûte plus cher encore. C’est vous dire que, si, une paroisse peut, chaque année, supporter la pension d’un grand séminariste, cela nous aiderait. Je lance un cri de cœur à vous tous. Mais tout cela, il faut savoir l’expliquer. Très bientôt, vous serez en possession des papiers. Les chrétiens eux, sont prêts à donner si vous savez expliquer et à condition, qu’il y ait de la transparence, sinon…
Je vous l’ai dit parce que je viens de recevoir la correspondance eu Recteur du Grand Séminaire Émile Biayenda, qui me rappelle que l’Archidiocèse de Brazzaville doit encore la somme de 4.450.000 F CFA, sans compter la prochaine rentrée académique. Il y a des dettes à éponger. Alors que faire ?
Autres choses concrètes, c’est de lier l’Évangile en acte ou le cri de cœur de l’Abbé Isidore Malonga, qui doit être le souci de tout pasteur en charge d’âmes. Les paroles de Saint Jacques, ne peuvent ne pas nous provoquer. Le dernier chapitre de l’Évangile de Matthieu, nous interpelle à cet effet. L’auteur de ce texte ne va pas par quatre chemins. C’est ce que j’ai toujours dit à mes chrétiens que, demain, nous ne serons pas jugés, parce que nous n’aurons pas fait, tel ou tel miracle, telle ou telle gymnastique. Mais, nous serons jugés sur l’Église de Matthieu : « J’avais faim, j’avais soif, j’étais nu et vous ne m’avez pas secouru ». Et nous serons ébahis.
Quand les sextes nous disent que l’Église Catholique est venue nous tromper, posez-leur la question de savoir « sur quoi l’Église Catholique vous trompe-t-elle ? L’Évangile est là, l’enseignement de l’amour. Si je n’ai pas enseigné l’amour du prochain, là vous pouvez dire que j’ai caché quelque chose. Nous serons jugés sur cet aspect, pas sur un autre. Il ne faut pas vous décourager. Il faut pêcher à temps et à contre temps jusqu’à parler de la qualité de la vie.
Chaque fois quand il y a eu un Préfet à Kinkala, je lui ai fait une fiche et je lui ai dit : « Voilà ce qu’il faut faire pour notre jeunesse : des terrains de foot, des cimetières, des terrains des marchés, des écoles, parce qu’ils n’existent pas en dehors de ceux que les anciennes paroisses ont laissé, il n’y a plus rien. J’ai fait fermer des cimetières des paroisses au public, parce qu’ailleurs, ils sont devenus des cimetières privés. L’Église n’est pas là pour enterrer les citoyens, mais au contraire c’est le rôle des pouvoirs publics ».
Dans nos paroisses, les Caritas doivent être fonctionnelles. Nous devons donc renforcer et développer les Caritas paroissiales. Nous pouvons, en effet, mener beaucoup d’actions concrètes avec l’appui des organisations internationales qui veulent aider les populations à se prendre en charge.
Lors de mes tournées pastorales, dans mes homélies, je ne cesse d’expliquer à mes chrétiens, la philosophie des organisations internationales : 75 % à leur charge et 25 % contribution des populations. Aujourd’hui, ces organisations internationales ne veulent pas donner de l’argent au gouvernement, mais ils veulent aider directement les populations pour qu’elles se prennent en charge. Donc, profitons-en. A l’intérieur du pays, il y a des écoles qui ont été réhabilitées par la PMR (Projet Micro-Réalisation).
Nos Caritas doivent se mettre en branle. N’oublions pas la parole prophétique du Pape Paul VI qui disait que le développement est le nouveau nom de la paix.
Franchement, je vous dis, quand nos jeunes n’auront pas du travail, tant qu’ils se sentiront marginalisés, je vous assure qu’ils nous rentreront dedans et copieusement. Je l’ai toujours dit. Et pour le dire, on n’a pas besoin d’être prophète. Le travail est la vocation de l’homme. Dieu l’a placé dans le jardin d’Éden pour transformer cette terre. Quand quelqu’un ne travaille pas, il se sent effectivement malheureux, parce qu’il se croit nuisible à la société, et croit, qu’il ne participe pas au développement. Alors, ils prennent les armes et font des guerres.
La question qui nous interpelle tous, est de réfléchir comment donner du travail à ces jeunes.
En 1986, Nous, vos Évêques, l’avons déjà souligné dans notre exhortation intitulée « Le Messager de la Paix » page 17. Ce texte est une mine d’or, si vous le relisez très bien. Personne n’a su, en ce temps-là, si nous devrions rentrer en démocratie. En voici l’extrait : « En premier le travail, notre pays traverse une crise de démoralisation d’une extrême gravité par rapport au travail qui appelle de la part de tous, un véritable sursaut à tous les niveaux des administration et des entreprises où l’on fait des constats très alarmants : absentéisme, oisiveté, négligence, passivité, corruption, irresponsabilité, autant de mots qui nous réduisent à l’impuissance quand au contraire notre pays aurait besoin de mobilisation de toutes nos énergies pour émerger de la crise économique qu’il est en train de traverser. Le moment est venu d’insister sur la spiritualité du travail et de réactualiser l’enseignement de Paul. Nous ne nous sommes pas fait donner à personne le pain que nous mangeons. Mais de nuit comme de jour, nous étions au travail dans le labeur et la fatigue pour mettre à la charge aucun de vous, non pas que nous n’en avions le pouvoir, mais, nous entendions vous proposer un modèle à imiter. Et puis quand nous étions près de vous, nous nous donnions cette règle : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus.
De la Commission des Vocations
Effectivement, si nous voulons avoir un Clergé de qualité, il nous faudra faire excessivement attention aux recrutements. Les jeunes, que nous recevons, sortent de différents milieux de notre société. Ils trouvent qu’aujourd’hui l’Église devient une issue favorable pour la société.
Plusieurs d’entre eux viennent me dire : « Monseigneur, je voudrais entrer au séminaire parce qu’ailleurs ça ne marche pas. L’Église pourra être pour moi un dernier rempart ». Ils me le rapportent tel quel. Ils le font inconsciemment.
Donc, c’est pour vous dire que l’on doit dorénavant faire attention et se demander pourquoi tant des jeunes veulent s’orienter à la prêtrise où à la vie religieuse ? J’attire l’attention des responsables des vocations. Il faut beaucoup de suivi d’abord dans les paroisses et ensuite à la commission diocésaine. Les paroisses ne doivent pas se débarrasser de ce travail préliminaire, qui demande beaucoup de discernement, de suivi. Je suis entièrement d’accord que l’on revienne avec le système des tests avant d’entrer au séminaire. Ceci nous permettra aussi de voir le niveau du candidat.
De la Commission des Mass-Média
On a beaucoup parlé des mass-médias, des communications. « C’est un secteur qui prend de l’importance aujourd’hui. Le Pape Jean Paul II, dans sa lettre sur la journée des communications sociales, parle des antennes placées sur les toitures, qu’il compare à des champignons… C’est dire combien la communication est importante de nos jours. Ce qui se passe à travers le monde nous le vivons grâce aux médias. Lors d’une réunion au Conseil Œcuménique des Églises Chrétiennes, un technicien s’est interrogé sur la place de l’Église Catholique par rapport aux quinze radios que comptent les deux Congo. Car, en dehors de la radio « Elikya » de l’Archidiocèse de Kinshasa, nous sommes soumis aux télévisions et aux radios des sectes. Une radio catholique au Congo-Brazzaville, se présente donc comme une urgence pour marquer la présence de notre Église. On ne peut pas contourner les mass-médias, car, l’Église Catholique, mieux, l’Archidiocèse de Brazzaville ne doit pas être en dehors de la course de la technologie ».
Voilà ce que j’ai tenu à vous dire, tout au début de ma première entrée pastorale. Je pense que j’ai dit l’essentiel et je vous ai dit que je n’apporte pas la nouveauté, seulement, je dis que je mets l’accent sur tel ou tel point.
Grand Merci à vous tous, chers prêtres, religieux et religieuses, responsables des mouvements diocésains et conseils paroissiaux pour l’intérêt que vous accorderez aux orientations pastorales de cette nouvelle année 2001 – 2002.
En grande union de prière.
Brazzaville, mercredi 10 Octobre 2001
Monseigneur Anatole Milandou
Archevêque de Brazzaville