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CLÔTURE ANNÉE SAINT PAUL

Publier le 13 juin 2010

CLÔTURE ANNÉE SAINT PAUL
JUIN 2009 – JUIN 2010 ANNÉE DU SACERDOCE
ANNÉE DU SAINT CURÉ D’ARS

Bien chers jeunes,

Vous voici arrivés au terme de vos années de formation. Vous avez dû au cours de votre retraite en faire le bilan : constater combien depuis cet appel entendu mystérieusement, Dieu vous avait accompagné, encouragé, soutenu. Cette messe d’ordination est une véritable action de grâces pour tous les bienfaits que Dieu vous a accordé. N’oubliez pas d’associer à votre action de grâces tous ceux qui ont été les artisans de cette formation : vos parents bien sur !, mais aussi votre famille, vos amis. En votre nom je veux remercier tous ceux qui dans l’Église ont participé à la réussite de votre route vers le sacerdoce. Moi aussi je pense d’abord à vos parents, vos familles, vos amis. J’y associe tous les membres de comités de vocation dans nos différentes paroisses, à ceux et celles qui dans nos communautés religieuses vous ont porté dans la prière. C’est dans cet esprit d’action de grâces que je veux remercier les prêtres qui vous ont entourés, conseillés, enseignés, soutenus dans nos paroisses comme dans nos séminaires. Votre fête est aussi la leur. Qu’ils sachent combien j’apprécie leur dévouement, leurs compétences et leur disponibilité pour accomplir cette mission délicate : formateurs, éducateurs de prêtres. Qu’ils reçoivent ici toute ma gratitude.

Et maintenant il vous faut ouvrir ce nouveau chemin : être prêtre !

Nous célébrons cette année la clôture de l’année consacrée à Saint Paul, nous ouvrons l’année du "sacerdoce" où la grande figure du Curé d’Ars nous est présentée : modèle, guide à suivre. Je pense que ces deux grandes figures de l’Église vont vous aider à orienter ces années de vie nouvelle, à ouvrir avec ces deux grandes figures de l’Église, Paul et Jean Marie Vianney ce chemin du sacerdoce. Que St Pierre nous excuse si St Jean Marie Vianney lui vole la vedette ce matin.

De Saint Paul je retiens son courage et son audace !

Je l’ai déjà dit à vos anciens et je le renouvelle encore cette année, parce que cela me tient à cœur : le monde dans lequel nous vivons, le monde dans lequel vous allez maintenant exercer votre sacerdoce, est un monde difficile. Un monde difficile parce que les techniques sont génératrices de changement, de bouleversement profond, quelque fois radical. Un monde difficile parce que les courants de pensée, les idées, les slogans circulent, et circulent vite ! Tout va vite dans notre monde et souvent très vite ! Il nous arrive de ne plus pouvoir suivre.

Prenez, par exemple, les méthodes de communication, elles se sont radicalement transformées dans les dix dernières années. L’Internet est devenu un outil de communication redoutable par son efficacité, sa rapidité, sa qualité mais aussi tous les dangers qui s’y rencontrent. Prenez le téléphone portable, il est présent maintenant jusque dans nos écoles : il arrive même que des enfants demandent comme cadeau de 1° communion ou autre sacrement un téléphone portable ! Comment envisager une éducation solide dans un tel climat ?

Oui, le monde que nous vivons, et où Dieu nous a insérés providentiellement, est un monde difficile, rapide, exigeant ! Oui certes, mais ô combien passionnant et exaltant par tous les espoirs de qualité de vie, d’amélioration du quotidien qu’il présente.

Comme pour Paul il vous faudra, à votre tour, être courageux et audacieux !

De formation juive, d’éducation à l’école des Pharisiens, de caractère fougueux et passionné, ce Paul aura à effectuer une conversion radicale de tout son être, de toute sa pensée, de toute sa manière de vivre. Après sa conversion sur le chemin de Damas il devra porter un tout autre regard sur la "Loi" au cœur même de sa foi. Il devra abandonner une attitude "fondamentaliste" où la Loi, c’est la Loi !, pour entrer dans un univers nouveau où Jésus lui fera comprendre comment "accomplir" la Loi, c’est-à-dire comment donner une âme, aller au "cœur" de cette loi. Avec courage mais aussi avec audace Paul va se laisser travailler par la grâce de Dieu, accomplir cette révolution totale de sa pensée, sa manière de voir, sa manière de vivre : de persécuteur il devient prédicateur ardent ! Il accepte ainsi de transformer radicalement sa vie. Son regard sur les hommes de sa génération, sur les civilisations, sur les évènements qu’il va rencontrer devient tout autre. Il a l’audace de parler à Athènes du dieu inconnu, de résurrection des morts – sur ce sujet nous t’entendrons une autre fois, lui est-il répondu - il aura l’audace d’aller à travers toute l’Asie Mineure, la Macédoine, la Grèce et même jusqu’à Rome annoncer avec intelligence, compétence la Bonne Nouvelle. Il est le premier à avoir eu l’audace de porter "l’inculturation" de l’Évangile dans des mondes, des civilisations, des cultures aussi différentes que celles de Corinthe, d’Ephèse, de Philippes ou de Rome. D’une idéologie strictement juive, celle du pharisien, il passe à une vision universelle sur l’homme et la création, la vision des Béatitudes. Il le dit bien lui-même je me suis fait tout à tous !

Frères,

Vous conviendrez avec moi, qu’il faut une bonne dose de courage et d’audace pour accepter une telle révolution de pensée, comme pour propager cet Évangile d’amour, de justice, de vérité, avec autant de foi, de certitude, face à des juifs hostiles, des grecs moqueurs, des gens de Corinthe ou autres lieux aux mœurs plus ou moins dépravées, à des pauvres comme à des riches, à des hommes qui se jalousent comme à des femmes qui osent l’inviter chez elles.

Ce dont nous devons nous persuader en cette fin d’année de commémoration c’est bien que Paul est un extraordinaire cadeau de Dieu en ce début de l’évangélisation. Il est difficile de penser ce que serait l’Église et la proclamation de l’Évangile sans Paul.

Eh bien, chers jeunes, je vous demande, je vous invite fortement à être des prêtres courageux et audacieux dans ce monde si rapide, si changeant, si technique. Vous porterez la Bonne Nouvelle dans le cœur de tous vos contemporains. Vous vous en rendez compte facilement l’argent est devenu le moteur de la vie. La crise que nous rencontrons est une déviation radicale de la manière d’utiliser et de gérer l’argent. Il est devenu le roi, le maître pour lequel on accepte toutes les compromissions, les luttes, les lâchetés. Avec courage et à la manière de Paul vous direz la Bonne Nouvelle de l’Évangile : "on ne peut servir Dieu et l’argent".

Devant les évolutions spectaculaires, impressionnantes de la science et des techniques vous saurez vous informer, écouter. Vous accepterez de vous former pour comprendre ce qui se passe, ce qui se vit. Vous devrez rester à l’écoute des jeunes qui se passionnent et utilisent ces techniques. Ils ont besoin d’apôtres qui les aident à décrypter les enjeux, les dangers de toute cette science mise à leur disposition. C’est dans la mesure où vous saurez être accueillants et ouverts que votre parole, votre prédication sera crédible. Comme pour Paul, il vous faudra une bonne dose de courage et d’audace pour aller porter l’Évangile de la justice, de la paix, de la concorde, de l’humilité, de l’amour. C’est la grâce de Dieu qui a agi en Saint Paul, elle en a fait ce "monument" de l’apostolat ! - expression sans doute un peu audacieuse, qui exprime cependant toute la réalité du "génie" de Saint Paul. Cette même grâce de Dieu est en vous, celle de votre sacerdoce : elle vous précède, elle vous accompagne, elle vous rend attentifs à faire le bien sans relâche comme nous le prions dans une des oraisons du temps ordinaire (Oraison du 27° dimanche ordinaire).

Vous serez les prêtres courageux, vous serez les prêtres audacieux à la manière de Paul. Ceux dont l’Église a besoin pour porter la Bonne Nouvelle à toute personne, à toute culture et en tout évènement. Il vous faudra de l’audace comme du courage pour aller toujours de l’avant, pour innover, inventer de nouvelles manières de faire, pour réaliser une inculturation en profondeur de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

Du saint curé d’Ars, maintenant, je retiens son humilité faite de piété et de pénitence.

Comme pour Saint Paul, la vie de Jean Marie Vianney est la manifestation éclatante de la puissance et de la force de Dieu. Dieu l’habite, Il demeure en lui, et c’est avec cette certitude, cette expérience quotidienne de cette présence que Jean Marie Vianney peut surmonter les énormes difficultés qui se présentent et dans sa vie de jeune séminariste en butte aux sarcasmes ou à l’indifférence, au doute même de sa capacité à être prêtre, et dans sa vie de curé de paroisse où les forces du mal l’assaillent et cherchent à le terrasser. Vous avez lu et vous connaissez tous ces détails de la vie du Curé d’Ars. Satan a cherché par tous les moyens à le mettre à terre, il a échoué ! … Il a échoué parce que son adversaire vivait humblement et simplement dans l’intimité de Dieu. Il passait des heures à prier. Vous connaissez sans doute cette anecdote : un brave homme de sa paroisse se tient régulièrement au fond de l’Église et semble muet. Chaque matin il est là. Au bout d’un certain temps, intrigué, le curé d’Ars, son curé, lui demande : mais mon brave homme que faites vous là chaque matin ? " Le Bon Dieu m’avise et j’avise le Bon Dieu" lui répond-il. Ce que faisait ce brave homme dans l’Église d’Ars, c’est bien ce qu’il voyait faire chaque jour par son curé, c’est auprès de son curé qu’il avait appris cette attitude de prière. Jean Marie Vianney priait, il priait chaque jour, il acceptait de passer de longs moments devant le Saint Sacrement. Le Bon Dieu m’avise, c’est essayer dans la prière d’écouter ce que dit Dieu, d’ajuster sa vie sur celle de Dieu, se mouler dans la volonté de Dieu comme Jésus, c’est tout cela "aviser", c’est tout cela une prière d’adoration d’un cœur humble, confiant qui se sait dans la main de Dieu. C’est le cœur de la prière du Curé d’Ars, de sa dévotion au Saint Sacrement.

Cette prière est aussi celle d’un homme qui sait écouter, comprendre, soutenir ceux qu’il rencontre ou qui viennent à lui. Nous connaissons tous ces longs moments où le curé d’Ars accueillait les personnes au confessionnal. Les longues files d’attente de personnes, certaines venues de loin, qui attendaient patiemment pour se confesser, recevoir avec le pardon de Dieu la lumière et la paix données par ce saint curé. C’est aussi cela sa prière, Dieu m’avise certes, mais moi aussi j’avise Dieu. Je lui porte les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes, tous ceux qui viennent à moi, je l’avise de tous leurs problèmes, leurs préoccupations, leurs souffrances. Et cela demande du temps, beaucoup de temps ! Et cela demande de l’attention aux autres, de l’écoute pour être capable de redire tout ce que l’on a entendu et cela demande surtout une réelle capacité à aimer. Ce fut le cœur de la prière du curé d’Ars. Prière sacerdotale à la manière de Jésus.

Vous aussi chers jeunes, votre prière sera celle du curé d’Ars. Vous devrez laisser Dieu vous parler, vous dire sa volonté, vous révéler ses projets sur vous, sur votre apostolat. Dieu cherche à vous rencontrer, à vous aviser, à vous interroger pour vous révéler les secrets de son cœur. Vous aurez aussi à "L’aviser" sur tout ce que vous entendez, ce que vous voyez, sur toute personne rencontrée, sur tout évènement vécu. Il y faut du temps ! Acceptez a l’orée de votre sacerdoce de donner ce temps, ce long temps à Dieu.

Voyez vous, Paul a prié, Jean Marie Vianney a prié, dans l’Église laïcs, prêtres, religieux, religieuses, évêques tous prient. C’est dans cette immense foule de priants que vous vous insérez. Soyez persuadés que toute personne qui prie est une personne "debout" comme Marie au calvaire, c’est une personne aussi qui a du "poids " : "Père glorifie ton Fils comme moi je te glorifie" dit Jésus . Toute personne qui prie donne du poids – de la gloire – à Dieu et en retour reçoit de Lui du poids : de la gloire.

L’humilité du Curé d’Ars est là dans cette simple prière d’adoration et d’intercession, il y puise sa force comme son endurance. Retenez l’anecdote : "Le Bon Dieu m’avise et j’avise le Bon Dieu"

Nous avons tous en mémoire les extraordinaires pénitences que le curé d’Ars acceptait de s’imposer. Il n’y a pas de vie selon l’Évangile sans renoncement à soi, sans accepter de se déposséder, sans une vie d’ascèse. La manière radicale du curé d’Ars que lui inspirait l’Esprit ne sera sans doute pas la même pour tous, c’est certain. Que cela ne nous fasse pourtant pas oublier que toute vie sacerdotale demande cette ascèse. Si nous voulons que notre apostolat, que notre vie soit féconde, qu’elle porte du fruit, il nous faut accepter ce don de soi, cette dépossession de soi dont l’ascèse est le moyen. Jésus a utilisé l’image très forte et très belle de la femme enceinte au moment d’accoucher. Elle doit accepter, sans une certaine angoisse, de se déposséder ce qu’elle porte en elle, ce qui fait partie intégrante de son corps, de ce qui a été sa raison de vivre pendant ces neufs mois et cela pour que la vie jaillisse et qu’un homme nouveau voit le jour cf. Jn 16, 21. Si nous voulons, nous prêtres, que la vie de Dieu jaillisse, en nous d’abord, autour de nous ensuite, que nous donnions des fruits et de bons fruits qui demeurent ! Acceptons de donner, de donner à profusion, acceptons simplement de nous déposséder. Nous le savons, nos anciens, nos éducateurs nous l’ont dit : la vie d’un prêtre ne lui appartient pas, elle doit être donnée à Dieu et aux hommes ses frères. On dit couramment que le prêtre est un homme "mangé" mangé par les préoccupations des hommes et par son travail. C’est dans ce sens que je veux vous redire les paroles du Concile sur la vie et le ministère des prêtres :

"… ce qui ordonne la vie des prêtres à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’évêque et les prêtres. … C’est l’exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l’Esprit du Christ qui est, pour les prêtres, le moyen authentique d’arriver à la sainteté. …. L’ascèse propre au pasteur d’âmes : renoncer à leurs avantages personnels, ne pas chercher leur propre intérêt mais celui du plus grand nombre afin qu’ils soient sauvés, progresser sans cesse dans un accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, être prêts, s’il le faut, à s’engager dans des voies pastorales nouvelles sous la conduite de l’Esprit d’amour qui souffle où il veut. (Constitution conciliaire Presbyterium ordinis § 12, 13)

Ces mots du Concile sont toujours d’actualité. Ils sont la chartre, la règle de vie de notre sacerdoce. C’est dans le quotidien de nos tâches toutes simples et toutes banales, mais accomplies avec amour, avec confiance, en ayant foi en ce que nous faisons que nous construisons lentement et sûrement notre sainteté, notre manière d’être parfait comme le Père céleste est parfait.

L’humilité de Jean Marie Vianney faite de vie de prière, d’intimité avec Dieu où l’un et l’autre se laisse "aviser" interroger par l’autre, faite aussi de don de soi, de dépossession de soi, l’a conduit à la sainteté reconnue par l’Eglise, proposé comme guide des pasteurs que nous sommes : il est notre Saint Patron !

Avec Paul, l’homme du courage et de l’audace, l’apôtre animé du feu de l’Esprit, avec Jean Marie Vianney l’homme de l’humilité, de la prière et de l’ascèse nous serons les prêtres que ce monde difficile, rude, mais exaltant et passionnant dans lequel nous sommes immergés, a tant besoin. Nous aurons l’audace et le courage d’ouvrir des routes nouvelles d’évangélisation répondant aux besoins de nos contemporains, nous resterons des hommes de prière qui rencontrent le Père pour se laisser interroger et inviter à l’initiative, pour intercéder et présenter les hommes au Père, nous accepterons d’être "mangés", notre temps "donné" aux autres, disponibles à tout appel, à toute détresse.

Au cœur de notre vie nous aurons Marie avec nous. Dieu l’a interrogé, l’a avisé en lui demandant une disponibilité totale au service du Royaume. A son tour elle a avisé Dieu sur le comment : " comment cela sera-t-il puisque je suis vierge …" .A la réponse de l’Ange la rassurant sur la présence de Dieu, en paix, en toute disponibilité elle a répondu : "je suis la servante du Seigneur".

A sa manière nous serons les prêtres du Seigneur, serviteurs de Dieu et du Royaume, serviteurs des hommes, pour ensemble construire le peuple de Dieu. N’ayez pas peur, avec Paul, avec Jean Marie Vianney, allez de l’avant, construisez et Dieu sera là, Il vous prend par la main, vous donnera ce "pain quotidien" fait de courage, de force, de ténacité et surtout, surtout … de beaucoup d’amour !

Amen !


 

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