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LES ÉVÊQUES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU CONGO (CARÊME 1972)

Publier le 22 février 1972

LES ÉVÊQUES DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU CONGO

LE CHRÉTIEN DANS LA COMMUNAUTÉ NATIONALE

CARÊME 1972

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Chaque année, le Carême est pour nous le temps providentiel, où personnellement et communautairement nous nous efforçons de suivre plus fidèlement le Christ.

Vos Pasteurs vous invitent donc à vous renouveler dans votre attachement à Jésus-Christ et dans votre générosité chrétienne. Les efforts que nous avons à faire sont nombreux ; mais il en est un qui est particulièrement important aujourd’hui ; il nous concerne tous : celui de participer au développement et à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel.

Notre Saint Père le Pape Paul VI a voulu rendre tous les chrétiens attentifs à ce devoir par sa Lettre au Cardinal Roy du 14 mai 1971. Le Synode des Évêques à Rome s’est aussi penché sur ce vaste problème. Car « on ne peut pas être authentiquement chrétien sans participer activement au développement et à cet effort pour plus de justice et de paix dont nous sentons tous l’urgence. Ce devoir est une composante même de notre foi. Évangéliser, c’est aussi participer au développement » (Intervention de Mgr l’Archevêque de Brazzaville au Synode, le 22 octobre 1971).

Il est vrai, promouvoir et organiser le développement pour construire un monde plus juste et plus fraternel n’est pas directement la tâche de l’Église. S’il lui est arrivé de prendre parfois directement en mains cette responsabilité, c’était parce qu’il ne se trouvait personne d’autre pour l’assumer. Normalement cette tâche revient directement à ceux qui sont responsables du gouvernement des peuples.

Mais les chrétiens ont le devoir d’être préoccupés par cette tâche ; ils doivent être parmi les premiers à participer au développement. Ils ne pourront le faire qu’en vivant intensément leur vie chrétienne dans leur communauté nationale.

C’est pourquoi nous vous invitons aujourd’hui à réfléchir sur notre place de chrétien dans la communauté nationale et sur le devoir que nous avons de participer à la construction de notre pays et du monde dans la justice, la paix et le progrès.

Le chrétien est membre du Peuple de Dieu, mais il n’en est pas moins membre de sa communauté nationale. Le fait d’être chrétien ne peut pas diminuer la valeur du citoyen. Au contraire, le vrai chrétien veut être parmi ceux qui travaillent le plus pour le bien de leur pays. C’est ainsi qu’il accomplit la loi du Christ qui lui demande d’aimer son prochain.

LE CHRÉTIEN DOIT VIVRE DANS SA COMMUNAUTÉ NATIONALE SANS SE RENIER LUI-MÊME
1. Croire en Dieu

Saint Pierre écrivait aux chrétiens de son temps : « Très chers, ayez au milieu des nations une belle conduite, afin que vos bonnes œuvres les amènent à glorifier Dieu » (1 P 2, 12)

Vos Pasteurs vous adressent cette même parole aujourd’hui. Nous sommes membres du Peuple de Dieu et nous devons vivre en fils de Dieu au milieu de notre nation afin que notre témoignage de vie donne à tous envie de connaître et d’aimer Dieu.

Sans Dieu, vous le savez, l’homme est peu de chose. Nos ancêtres le savaient déjà. Nous avons eu la grâce et la chance de connaître Dieu de plus près, grâce à la Parole qu’il nous adresse par Jésus-Christ, son Fils bien-aimé, qui est venu habiter au milieu de nous les hommes. Il est devenu l’un d’entre nous et il nous a appris comment plaire à Dieu. Par sa mort et sa résurrection et par notre baptême, il nous a fait entrer dans la Famille de Dieu. Il nous a donné l’Esprit Saint qui est sa présence agissante dans notre cœur et dans notre communauté. Par notre prière nous pouvons adresser avec pleine confiance à Dieu qui est vraiment notre Père. Nous sommes sûrs de son Amour pour nous et nous espérons qu’en vivant chaque jour la loi d’amour de Jésus nous réussirons totalement notre vie : notre Père nous admettra un jour pour toujours dans sa Maison.

Voilà notre foi, voilà notre raison de vivre. Pour garder cette foi, un chrétien doit être prêt à tout perdre, même sa vie terrestre s’il le fallait, car séparée de Dieu, sa vie perd tout son sens. Sans Lui, nous ne sommes plus rien.

Chers frères et sœurs, en aucune circonstance, vous ne devez avoir honte de votre foi en Dieu. Par notre joie de vivre et par notre courage, montrons que Dieu est présent en nous ; qu’Il met en nous la charité qui nous incite à être au service de nos frères et de notre pays. Ainsi chacun aura une belle conduite au milieu de notre nation et ceux qui ne connaissent pas Dieu désireront le connaître et l’aimer.

2. Croire dans la dignité de l’homme

En tant que chrétiens, nous voulons aussi pleinement croire dans la dignité et la grandeur de l’homme.

Dans leur langage imagé, les premières pages de l’Écriture Sainte nous apprennent que l’homme et la femme ont été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, qu’ils ont reçu mission de dominer et d’organiser la terre. D’autre part, comme nous l’avons déjà dit, le Christ nous a appris que tous les hommes sont appelés à être de la Famille de Dieu, dès cette terre et pour toujours.

Voilà la dignité que le chrétien reconnaît à tout homme. En aucun cas nous ne devons oublier cette grandeur. Nous devons la respecter en nous-mêmes et dans les autres. Nous le ferons en vivant la loi d’amour du Christ. Ainsi, nous traiterons tout homme comme il mérite d’être traité et nous l’aiderons à réussir sa vie ; car durant son passage sur terre chacun doit se construire lui-même pour l’éternité.

A notre dernière heure ici-bas, notre vie n’est pas détruite, elle est seulement changée. Nous croyons qu’à cette heure-là, tout homme paraît devant Dieu pour rendre compte de sa vie. Celui qui aura fait le bien sur terre sera admis pour toujours dans la présence du Père.

En ceci notre foi chrétienne rejoint et prolonge celle de nos ancêtres qui savaient bien que la mort n’est qu’un passage. Ils exprimaient leur foi par les multiples façons dont ils honoraient les morts.

Nous profitons de l’occasion qui nous est donnée pour encourager les scholas populaires dans la belle tâche qu’elles accomplissent en animant les veillées funèbres et les cérémonies en l’honneur de nos morts. Qu’elles apportent en ces heures difficiles la consolation aux familles en deuil par leur témoignage de la foi chrétienne.

3. Aimez-vous les uns les autres

Au chapitre 13 de l’Évangile de Saint Jean, Jésus nous dit : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaîtront pour mes disciples. »

Cet amour ne doit pas seulement s’étendre à nos amis, mais même à nos ennemis : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien, moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs… » (Mt 5, 43-44).

Notre préoccupation doit être de vivre cette loi nouvelle du Christ. Nous devons la vivre chaque jour, dans notre famille, à notre lieu de travail, en toute circonstance. Bien faire son devoir d’état, c’est aimer selon la loi du Christ : notre travail quotidien est en effet un service que nous rendons dans notre société nationale ; il profite aussi aux membres de la famille avec qui nous partageons ce que nous avons gagné.

Cette loi nouvelle du Christ nous poussera aussi à contribuer courageusement au développement de notre pays et à l’établissement de relations plus justes et plus fraternels entre les hommes.

Par contre, nous ne pouvons en aucun cas renier par principe la loi d’amour du Christ. Nous devons renoncer à toute pratique et à toute méthode qui mépriseraient la dignité de l’homme. Ainsi nous devons rejeter tout système bâti sur l’exploitation de l’homme par l’homme ; tout système qui écraserait l’homme en lui refusant les libertés élémentaires de la personne humaine ; tout système qui prône le racisme, la violence et le mensonge. En aucun cas, un chrétien ne doit recourir à la vengeance, aux règlements de compte privés ou approuver la torture. Nous devons renoncer aux méthodes qui tenteraient d’instaurer une atmosphère de haine entre individus ou couches d’un même peuple.

Par là nous ne renonçons nullement à lutter pour la justice et l’égalité entre les hommes. Nous refusons seulement certaines manières d’agir incompatibles avec la loi d’amour du Christ et la dignité humaine. Employer ces méthodes serait nous diminuer nous-mêmes.

Jésus a dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde. » Pour être cette lumière au milieu de notre communauté nationale nous devons donc donner le témoignage d’une vie de charité au service de tous, dans le respect de la vraie dignité de l’homme et dans l’adoration filiale de Dieu notre Père.

LE CHRÉTIEN DOIT VIVRE SA FOI EN PARTICIPANT A L’EFFORT DE CONSTRUCTION NATIONALE

« A quoi cela sert-il que quelqu’un dise j’ai la foi, s’il n’a pas les œuvres » (Jc 2, 14).

Depuis douze ans notre peuple a retrouvé son indépendance et s’efforce de construire, malgré toutes les difficultés, la prospérité nationale. Il lutte contre le sous-développement pour assurer à toute la communauté et à chaque citoyen le plus être et le mieux être, dans le respect des valeurs de notre propre culture.

Pour accomplir ce grand pas en avant, le Congo est engagé dans la voie socialiste. Cette voie n’est pas de soi opposée au message évangélique, elle le rejoint même, dans la mesure du moins où elle n’est pas liée nécessairement à l’athéisme et à une conception qui méconnaît et contrarie la vraie dignité et la destinée surnaturelle de l’homme. Jean XXIII déjà écrivait dans sa lettre Pacem in terris :

« On ne peut identifier de fausses théories philosophiques sur la nature, l’origine et la finalité du monde, avec des mouvements historiques fondés dans un but économique, social, culturel ou politique, même si ces derniers ont dû leur origine à ces théories et puisent encore leur inspiration en elle… Dans la mesure où ces mouvements sont d’accord avec les sains principes de la raison et répondent aux justes aspirations de la personne humaine, qui refuserait d’y reconnaître des éléments positifs et dignes d’approbation ? » (N°159).

Si le chrétien ne peut en aucun cas accepter l’athéisme et une conception de l’homme sans référence à Dieu ou des méthodes découlant directement de ces positions théoriques, il doit par contre s’engager loyalement et généreusement dans l’œuvre de progrès entreprise par son pays. Il serait faux de croire que du fait de sa foi, le chrétien est un mauvais citoyen. Au nom même de sa foi, il est engagé à militer pour la justice, l’égalité et la paix entre tous ; au nom même de sa foi, il s’adonne au travail pour conquérir le plus et le mieux être pour lui-même et ses concitoyens. C’est être mal informé que de penser que notre foi dans la vie éternelle nous détourne des tâches de la vie présente.

Le récent Synode de Rome nous engage dans cette voie : « Les membres de l’Église, comme membres de la société civile, ont le droit et le devoir de poursuivre le bien commun comme les autres citoyens. Les chrétiens doivent remplir avec fidélité et compétence leurs tâches terrestres. Ils doivent agir comme levain dans leur vie familiale, professionnelle, sociale, culturelle et politique… Ils témoignent ainsi de la puissance de l’Esprit Saint dans l’action au service de leurs frères, aux points où se jouent leur existence et leur avenir. »

Le Travail

Selon notre foi, Dieu a donné la terre à l’homme pour qu’il la domine, l’organise et lui fasse produire les biens qui permettent à chacun de mieux réussir sa vie. De là vient notre grande estime pour le travail, tant manuel qu’intellectuel. Il nous permet de nous grandir nous-même dans la mesure où nous domestiquons les forces de la nature.

Dans la phase actuelle de l’évolution de notre pays, le travail se présente comme le chemin obligé pour atteindre au progrès et à la prospérité. Il est « le seul facteur capable de sortir rapidement notre pays de la domination économique et de la domination tout court » (Discours du Chef de l’État, à l’occasion du Nouvel An). Le travail permettra à chacun d’atteindre, sans s’abaisser à tendre la main, le bien-être plus grand auquel nous aspirons tous.

Que chaque chrétien s’engage donc généreusement aux côtés de ses autres frères congolais dans le travail. Qu’il se signale par son sens de l’effort et sa conscience professionnelle. Que ceux qui possèdent la compétence requise s’offrent à coopérer, chacun à son niveau, avec ceux qui sont responsables pour chercher toutes les solutions, voies et moyens pour régler les problèmes de la misère du peuple.

Qu’aucun chrétien n’ait à être condamné pour manque de conscience professionnelle, pour détournement de fons ou autres malversations commises au détriment de la communauté nationale. Il faut louer les efforts qui sont faits pour multiplier les emplois et procurer à chacun les moyens de gagner sa vie en s’assurant la dignité que donne le travail.

Le partage de la richesse nationale

L’Église connaît la valeur du partage. Il est tout à fait conforme à son message que la société soit organisée de telle manière que les biens possédés ou produits par le pays profitent équitablement à tous les membres de la nation.

La propriété collective des moyens de production peut être une bonne manière d’organiser le partage équitable, à condition que tout soit mis en œuvre pour que cette propriété collective profite effectivement au bien-être de tout le peuple. Il faut aussi que l’organisation de la propriété collective soit démocratique. Comme le souligne Paul VI, ‘’les groupes humains se transforment peu à peu en communauté de partage et de vie, dans la mesure où chacun a la possibilité de s’informer et de s’exprimer, tout en s’engageant dans la responsabilité commune’’ (cf. Lettre au Card. Roy, n°47).

De toute façon, les chrétiens doivent avoir le sens du partage et de la communauté ; c’est une exigence de l’Évangile et une qualité authentique de notre culture. Nos ancêtres ont eu et nous ont laissé le sens du partage familial et de l’hospitalité. Nous devons maintenant élargir cet héritage aux dimensions nouvelles de notre communauté nationale.

L’unité de la communauté nationale

Le Christ nous demande de considérer tout homme comme notre frère. Cette fraternité nous devons d’abord la vivre dans notre grande famille nationale. La justice et l’amour chrétien nous interdisent toute discrimination raciale, culturelle, professionnelle ou régionaliste. Dans une famille tous sont traités selon les mêmes droits et tous s’engagent dans l’effort commun. Or, notre famille est maintenant à l’échelle de la nation. Dans ce domaine, le chrétien doit montrer qu’il a compris l’enseignement de Jésus : « On vous reconnaîtra pour mes disciples à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 35).

D’autre part, l’Église ne veut d’aucune façon que les chrétiens forment une faction à l’intérieur de la nation. Son rôle n’est pas de diviser mais d’unir dans l’amour. Elle ne réclame pour elle-même aucun traitement de faveur, mais demande seulement que lui soit appliquée équitablement la Constitution nationale en ce qui concerne la liberté religieuse. Cette liberté ne se limite pas au simple droit de prier dans les édifices religieux ; elle comporte aussi le droit, pour les chrétiens, au niveau des paroisses, de recevoir l’enseignement religieux, d’organiser eux-mêmes la vie de leur communauté, se soutenant ainsi mutuellement, pour porter leur témoignage de chrétiens dans tous les actes de leur vie. Ceci est conforme à l’engagement pris par notre pays quand il a signé la Charte des Nations-Unies, où est réprouvée toute ségrégation se fondant sur la race ou la religion (Déclaration universelle des Droits de l’homme, n°2 et 18).

La Famille

La Famille est la cellule de base de la société nationale et, pour les chrétiens, elle est aussi la cellule de base de l’Église.

L’évolution rapide de notre société pose de graves problèmes concernant la famille. Il faut qu’à cet égard les chrétiens donnent un exemple de maturité. Nous encourageons les groupes de foyers qui s’organisent dans les paroisses pour réfléchir aux problèmes qui se posent du fait de la mise en question des coutumes et du fait de l’influence de la vie moderne souvent dissolvante.

Il faut que les jeunes gens et les jeunes filles découvrent le sérieux et la grandeur de l’amour humain, pour que cessent le dévergondage et la multiplication inquiétante des avortements qui s’ensuit. Ces avortements prouvent le peu d’emprise que gardent les parents sur les jeunes ; ils montrent aussi que les jeunes acquièrent de plus en plus difficilement le sens du sérieux de la vie, malgré les études poussées qu’ils peuvent faire. Ceci est inquiétant pour l’avenir de notre peuple, sans même qu’il soit besoin de parler des conséquences néfastes qu’entraînent les pratiques abortives clandestines : maladies, stérilité. Il faut avant tout que les jeunes acquièrent le sens du sérieux de la vie. Il est déplorable à cet égard que ce soient souvent des adultes, et parfois même des responsables de l’éducation, qui donnent le mauvais exemple. Que les parents chrétiens usent de toute leur autorité pour inculquer à leurs enfants le sens de la vie et pour faire en sorte que ces enfants gardent le contact avec la communauté chrétienne. Il importe aussi que les parents soient aidés dans leur responsabilité par l’application des lois en vigueur dans notre pays en ce qui concerne la délinquance juvénile, le vagabondage et le détournement des mineurs.

Nous voudrions nous adresser aux jeunes eux-mêmes pour leur dire de ne pas se laisser entraîner par la facilité : En tant que chrétiens, n’oubliez pas que vous devez réussir votre vie par l’étude et le travail ainsi que par le dépassement de vous-mêmes selon les valeurs de l’Évangile. Il ne suffit pas de décrocher un diplôme, il faut aussi grandir votre cœur. Même si vous avez fait plus d’études que vos parents, vous devez leur garder le respect et la soumission qui conviennent : ils vous ont donné la vie et se sont sacrifiés pour vous. Ainsi seulement vous vous préparez à réussir votre vie devant les hommes et devant Dieu.

Un autre problème qui se pose au sein de la famille est celui de la place et du rôle de la femme dans notre société. Dans leur complémentarité réciproque et avec leurs qualités propres, la femme et l’homme sont égaux ; ils sont l’un et l’autre créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ; ils sont l’un et l’autre appelés à être membres de la famille de Dieu. Il faut que cette vérité chrétienne s’inscrire progressivement et d’une manière harmonieuse dans notre société : par l’abolition de la polygamie et par le renouvellement des coutumes concernant le mariage, la vie de famille, l’organisation de notre société et le veuvage. Sur ce dernier point nous rappelons la Lettre Pastorale de Mgr Théophile MBEMBA à l’occasion du Carême 1971. Il ne faut pas que ses paroles restent lettre morte.

Progressivement il doit s’opérer dans nos communautés un changement de mentalité. Alors l’esprit chrétien pourra aussi profiter à toute la communauté nationale. La santé de la famille est la santé du pays.

L’école

Nous voyons avec satisfaction les efforts qui sont fait pour qu’à tous les niveaux soit dispensé un enseignement respectueux de génie propre de notre peuple et conforme aux exigences du monde moderne. Que tous les chrétiens qui travaillent dans ce secteur s’acquittent avec compétence et générosité de leur tâche.

L’Église demande respectueusement que soit reconnu à l’enfant le droit d’être chrétien et que rien ne soit fait pour le détourner de la foi en Dieu. Que les parents usent de toute leur influence pour faire respecter le droit qu’ils ont de communiquer la foi à leurs enfants.

L’Église n’impose à personne sa foi ; mais elle reconnaît et demande que soit reconnu aux parents le droit de communiquer la foi religieuse aux enfants à qui ils ont donné la vie.

Le chrétien et l’activité politique

Il arrive parfois que certains voudraient que l’Église, par ses responsables, donnent des directives précises en matière politique. L’Église ne se reconnaît aucune compétence pour donner de pareilles directives aux chrétiens. La seule compétence qu’elle se reconnaisse consiste à dire quelles sont les exigences de l’Évangile et quelles sont les limites en dehors desquelles personne ne peut prétendre agir en tant que chrétien. Ces limites nous les avons indiquées dans la première partie de notre lettre.

Pour le reste il appartient à la responsabilité de chaque chrétien de découvrir la meilleure action qu’il convient de mener dans les circonstances où il se trouve. Même dans des structures qui sont d’une inspiration différente de la sienne, un chrétien peut contribuer à la construction de son pays, dans toute la mesure du moins où n’est pas exigé de lui qu’il se renie lui-même dans sa foi.

Notre pays a d’ailleurs tout à gagner de la contribution d’un chacun, sans qu’il y ait des discriminations en raison de la foi religieuse. Comme nous l’avons largement montré, un chrétien n’est pas un mauvais citoyen en raison de sa foi. Il souffre généralement autant que les autres de la misère du peuple et aspire autant qu’eux à plus de justice et de prospérité. En raison de sa foi, il possède même un dynamisme qui le pousse à s’engager et à travailler de toutes ses forces pour le bien de son pays. L’Évangile comporte une authentique exigence de justice et de promotion humaine. Le progrès de notre pays exige que l’on ne divise pas les forces vives en laissant certains citoyens sur la touche en raison de leur foi.

Nous reconnaissons donc à tout chrétien le droit de s’engager selon sa compétence dans les structures existantes, à condition qu’il n’ait pas à renier sa foi. Qu’il donne le meilleur de lui-même pour collaborer au développement, à la justice et à la paix.

QUELLE EST NOTRE PLACE ?

L’Église, en tant que peuple de Dieu est un peuple catholique, c’est-à-dire universel. Pour autant les chrétiens ne cessent pas de vivre en pleine solidarité avec leur communauté nationale. Ils partagent en tout, dans les réussites comme dans les difficultés et l’effort, le sort de leurs concitoyens.

Il a pu arriver dans le passé que dans une partie du monde donnée, l’Église ait paru liée aux classes et aux puissances dominantes ; il est possible aussi que la religion ait pu faire figure d’aliénation, par la suite d’une mauvaise interprétation de la doctrine de l’au-delà. Mais dans quel système ou dans quel peuple n’arrive-t-il pas qu’il y ait des hésitations et même des défaillances ? Ce n’est pas une raison pour que dans un pays neuf comme le nôtre, l’Église soit assimilée aux forces anti-progressistes, sans que l’on prenne en considération tout le progrès qui est arrivé par elle.

L’Évangile dont nous vivons est un dynamisme de renouvellement. Ce dynamisme n’est pas d’importation, il sort de notre propre peuple. Nos Églises sœurs d’Occident nous ont apporté l’Évangile qui est la Parole de Dieu pour tous les hommes. Cet Évangile a pris racine chez nous et maintenant il germe et il fructifie à partir de nous-mêmes. Il ne détruit pas les valeurs propres de notre peuple mais leur donne une dimension et un sens nouveau… Nous pouvons donc être authentiquement Congolais et Chrétiens.

Que chacun s’efforce donc d’être fidèle au Seigneur Jésus et de s’engager à la construction de notre pays en pleine solidarité avec ses frères.

Puisse le Seigneur, en ce Carême 1972, nous éclairer et nous stimuler pour que nous accomplissions au mieux notre tâche de chaque jour, dans la charité fraternelle et pour le plus grand bien de notre pays.

Dieu éternel et tout-puissant, toi qui tiens en ta main le cœur des hommes et garantis les droits des peuples, regarde avec bonté tes fidèles, tout les habitants de notre pays ainsi que ceux qui exercent le pouvoir ; donne-nous la sécurité et la paix, le progrès et la prospérité, la liberté et la joie. Que ton règne arrive. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Cardinal Emile BIAYENDA, Archevêque de Brazzaville
Mgr Jean-Baptiste FAURET, Évêque de Pointe-Noire
Mgr Georges Firmin SINGHA, Administrateur Apostolique de Fort-Rousset





 

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